
On pourrait penser que le rapport est éloigné avec l’objet habituel de ce site, mais j’ai très envie de rendre hommage à Amadou Bagayoko, qui nous a quittés ce 4 avril 2025 à l’âge de soixante-dix ans. Connu pour le duo Amadou & Mariam qu’il formait avec son épouse Mariam Doumbia, cet artiste s’est inscrit en début de carrière dans la tradition du blues africain de l’Afrique de l’Ouest (parfois appelé afro-blues), et plus particulièrement du Mali dont il est originaire, et de la musique mandingue. Derrière des textes parfois empreints de candeur et des chansons destinées au grand public comme Beaux dimanches (et non Les dimanches à Bamako qui est une phrase du refrain dérivée du titre de l’album sorti en 2004…) qui leur permis d’être reconnus à l’international à partir du début des années 2000, le propos des deux artistes était souvent revendicateur, surtout quand ils chantaient en bambara. Mais Bagayoko fut surtout un formidable guitariste, en rythmique comme en solo.

Amadou Bagayoko naît le 24 octobre 1954 à Bamako, la capitale du Mali. La musique s’invite dès son enfance durant laquelle il apprend successivement les percussions, l’harmonica et la flûte, puis à l’adolescence la guitare qui deviendra son instrument de prédilection. Parmi ses premières influences figurent John Lee Hooker, Eric Clapton, David Gilmour et Jimi Hendrix, mais il écoute aussi la musique de son pays comme celle venue de Cuba. Il se produit dans des formations dès la fin des années 1960, notamment dans les quartiers de Niarela et Koutiala. Frappé de cécité à quinze ans, il intègre l’Institut des jeunes aveugles de Bamako, où il rencontre en 1975 Mariam Doumbia, elle aussi aveugle et qui deviendra sa femme cinq ans plus tard. Parallèlement, il joue de la guitare au sein des Ambassadeurs du Motel de Bamako, un groupe dans lequel chante… Salif Keita ! Le nom de Bagayoko apparaît pour la première fois sur disque en 1975, quand il joue de la guitare avec les Ambassadeurs sur quelques singles, qui sont aujourd’hui introuvables, mais les chansons ont été rééditées et rassemblées sur une compilation sortie en 2014 chez Stern’s Music, « Les Ambassadeurs du Motel de Bamako ».

Parallèlement, Bagayoko enseigne la musique à l’Institut des jeunes aveugles, où il forme L’Éclipse, une formation dans laquelle Mariam Doumbia est la chanteuse principale. En 1980, année de leur mariage, Bagayoko et Doumbia gagnent en popularité, ce qui leur vaut d’être programmés au stade Bobo-Dioulasso ! Bagayoko ne cesse de prendre des responsabilités : chef d’orchestre du collectif de musiciens aveugles Miriya, directeur technique du groupe artistique de l’Institut, responsable de la troupe théâtrale, de l’ensemble instrumental et de l’orchestre moderne, secrétaire général de l’AMPSA (Association malienne pour la promotion sociale des aveugles), avant d’être lauréat du concours « Découvertes » organisé par RFI (Radio France internationale) et du prix de l’ACCT, l’Agence de coopération culturelle et technique (source : RFI).

Mais Bamako manque de moyens techniques comme des studios d’enregistrement, et le couple s’installe en 1986 à Abidjan en Côte d’Ivoire. Après quelques tournées qui achèvent de les faire connaître, ils entrent en studio en décembre 1988, et sous le nom d’Amadou Bagayoko et Mariam Doumbia, ils enregistrent pour Maikano vingt-trois chansons, qui sortent en cassettes en mars 1989, « Le couple aveugle du Mali, Vol. 1 et Vol. 2 ». Après avoir partagé la scène avec Stevie Wonder et Kool & The Gang, ils répètent l’opération en 1991 avec les volumes 3 et 4, puis en 1993 avec le volume 5, sous le même titre et toujours chez Maikano. Pendant que se femme chante d’une belle voix chargée d’émotion, Bagayoko (qui chante également très bien) se distingue par son jeu de guitare hypnotique et intense, qui emprunte à la musique mandingue tout en s’inspirant de guitaristes de blues mais aussi de blues rock britannique. Sa sonorité reste cependant toujours vibrante et ancrée dans la tradition des griots du Mali.

Après une nouvelle cassette, « Wasso », ils viennent en France en 1994, où ils enregistrent trois ans plus tard leur premier CD, « Sou ni tilé » (EmArcy), qui contient deux chansons qui deviendront deux succès de leur répertoire, Je pense à toi et Mon amour, ma chérie, qui comme leurs titres l’indiquent, mettent l’accent sur leur amour mutuel. Après « Tje ni mousso » (Polydor, 1999) et « Wati » (Universal, 2002), leur carrière culmine en 2004 avec l’album « Un dimanche à Bamako » (Because Music). Ils sont effectivement au faîte de leur popularité, s’entourent de formations étoffées et leurs concerts déplacent les foules. Mais leur musique se fait également plus commerciale, et leurs albums suivants sortent du cadre de ce site, même si leurs spectacles restent toujours des moments festifs pleins de ferveur et de communion. Je me souviens ainsi de leur concert en 2010 lors du festival Cognac Blues Passions… Quant à Amadou Bagayoko, il laissera le souvenir d’un musicien de premier ordre, acteur au tournant des années 1990 et 2000 de la fusion entre blues et musique mandingue dont il aura contribué au rayonnement.

Je vous propose une sélection de dix chansons qui mettent en avant le jeu de guitare de Bagayoko, particulièrement sur les premiers enregistrements du couple.
– Dounigne te soye en 1988 par Amadou Bagayoko et Mariam Doumbia, Le couple aveugle du Mali. Leur toute première chanson…
– À chacun son problème en 1988 par Amadou Bagayoko et Mariam Doumbia, Le couple aveugle du Mali.
– Neye mounke allah la en 1988 par Amadou Bagayoko et Mariam Doumbia, Le couple aveugle du Mali.
– Diarramine diarra en 1991 par Amadou Bagayoko et Mariam Doumbia, Le couple aveugle du Mali.
– Mogo djoura (djougou) en 1991 par Amadou Bagayoko et Mariam Doumbia, Le couple aveugle du Mali.
– Le monde a changé en 1993 par Amadou Bagayoko et Mariam Doumbia, Le couple aveugle du Mali.
– Je pense à toi en 2005 par Amadou & Mariam.
– La paix en 2010.
– Kunan sèben en 2012 par Amadou & Mariam.
– La réalité en 2017 par Amadou & Mariam.
