Ça s’est passé un 7 juillet : première radio pour Elvis Presley

Macaron du disque acétate de That’s all right par Elvis Presley diffusé le 7 juillet 1954 sur WHBQ. © : Bonhams.

Le 5 juillet 1954, Elvis Presley, âgé de dix-neuf ans et alors inconnu, se présente au 706 Union Avenue à Memphis, Tennessee, siège de Sun Records, label créé deux ans plus tôt par Sam Phillips. Presley était déjà venu deux fois, en septembre 1953 et en janvier 1954, pour enregistrer des démos dans une veine pop qui resteront sans suite. De son côté, Phillips cherche des artistes qui favoriseraient la propagation des musiques afro-américaines, car jusque-là son catalogue se concentre essentiellement sur des interprètes noirs de blues et de R&B. Presley s’accompagne alors du guitariste Scotty Moore (Winfield Scott Moore III) et du contrebassiste Bill Black (William Patton Black Jr.), un trio formé quelques jours plus tôt à l’initiative de Phillips, et qui prendra le nom de Blue Moon Boys.

Dewey Phillips et Elvis Presley, Ellis Auditorium, Memphis, 6 février 1955. © : Elvis Presley Music.

Les trois artistes gravent That’s all right le 5 juillet 1954, dans les conditions du live et sans même l’ajout d’un batteur. Dès le lendemain, Sam Phillips se rend dans les studios de plusieurs stations de radio à Memphis et leur remet des pressages acétate de la chanson, notamment à WHBQ où son ami Dewey Phillips (sans lien de parenté) anime l’émission Red, Hot & Blue. Sur le macaron du disque, le nom d’Elvis est mal orthographié, Pressley au lieu de Presley. Dewey Phillips n’attend pas et programme le morceau le 7 juillet 1954 (d’autres sources citent le 8 juillet), pour ce qui est donc le premier passage en radio d’Elvis Presley, et That’s all right est le point de départ de l’extraordinaire carrière du futur « King of Rock and Roll ». L’animateur diffuse plusieurs fois la chanson dans son émission, d’autant qu’il reçoit de nombreux appels d’auditeurs, tout en essayant de joindre Elvis, qui est alors au cinéma. Ses parents parviennent à le trouver et le conduisent à la radio, pour ce qui devient également sa première interview…

© : Discogs.

Toujours le 7 juillet 1954, Presley, Moore et Black avaient aussi enregistré Blue moon of Kentucky, un titre de Bill Monroe (le « père du bluegrass ») qui figurera avec That’s all right en face B du single qui sera commercialisé le 19 juillet sous la référence Sun 209. Mais si That’s all right est bien la chanson qui lança la carrière d’Elvis et contribua à son immense fortune, il importe de souligner qu’il s’agit d’une reprise d’un blues écrit par Arthur « Big Boy » Crudup et gravé le 6 septembre 1946 chez RCA Victor. Presley reprendra par ailleurs en 1956 deux autres chansons du bluesman, So glad you’re mine (1946) et My baby left me (1950). Sun a bien crédité That’s all right à Crudup, mais ce dernier, malgré des actions en justice menées à partir de la fin des années 1960 (avec l’aide entre autres de Dick Waterman), échouera à percevoir des royalties. En 1970, quatre ans avant sa mort, Crudup a prononcé ces mots prophétiques : « Je suis né pauvre, je vis pauvre et je vais mourir pauvre. » Pour conclure, je vous propose d’écouter sa version originale de That’s all right en 1946, puis celle d’Elvis huit ans plus tard.

Arthur « Big Boy » Crudup, années 1940. Gilles Pétard / Redferns / Getty Images.