Pete Mayes, mort un 16 décembre

© : Smiley N. Pool / Houston Chronicle.

Comme il ne s’est pas consacré à plein temps à la musique, sans compter de sérieux problèmes de santé, Pete Mayes a relativement peu enregistré et demeure plutôt méconnu. Mais il fut un excellent chanteur-guitariste représentatif du blues texan. Il naît Floyd Davis Mayes le 28 mars à Double Bayou, au sud-est du Texas et pas très loin de la Louisiane. C’est un petit village isolé à l’habitat dispersé dans une région à la fois boisée et marécageuse, en outre exposée aux catastrophes naturelles (ouragans, tempêtes, inondations), mais à partir de la fin des années 1920 il accueille un dance hall, où viennent se distraire les travailleurs de la région : les villes de Galveston, Beaumont, Port Arthur et même Houston, pour ne citer que les plus importantes, ne sont en effet pas très éloignées. On y cultive la canne à sucre et le coton, et l’exploitation pétrolière est également en plein développement autour du proche golfe du Mexique.

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Mayes grandit dans cet environnement, mais le dance hall est détruit par une tempête en 1941. Cinq ans plus tard, il est reconstruit par Manuel Rivers Jr. et sa femme Ella, oncle et tante de Pete Mayes qui ne tarde pas à se procurer une guitare à 5 dollars. Il manque des cordes à l’instrument mais l’adolescent persiste, quitte à pratiquer des heures chaque jour. Parallèlement, et malgré sa situation reculée, le club qui a pris le nom de Double Bayou Dance Hall attire des artistes de renom souvent venus de Houston, dont Amos Milburn, Texas Johnny Brown, Lightnin’ Hopkins, Clarence « Gatemouth » Brown et T-Bone Walker, ce dernier étant l’influence majeure de Mayes. Naturellement, il commence à se produire dès le début des années 1950 dans le dance hall tenu par son oncle, où il voit donc les bluesmen cités plus haut.

Pete Mayes et John Broussard au Double Bayou Dance Hall. © : Kenne Turner.

En 1954, il réalise un premier rêve quand T-Bone Walker l’invite à le rejoindre sur la scène du dance hall, comme il le relate dans une interview d’Eileen McClelland publiée le 20 janvier 2007 dans le Houston Chronicle : « Quand j’avais 16 ans, j’ai eu la chance de jouer avec T-Bone Walker. J’ai pu utiliser sa guitare. Je devais jouer une seule chanson, mais il m’a gardé sur scène pendant 30 minutes. Ce fut une expérience incroyable pour moi. ». Mayes commence ainsi à se faire appeler T-Bone Man, tout en jouant au sein de différentes formations au dance hall, pour finalement fonder son propre groupe, The Texas Houserockers, toujours en 1954. Vers 1955, il rencontre un autre chanteur-guitariste texan, Joe « Guitar » Hughes, qui deviendra son ami. Durant son service militaire, il fait partie des Contrasts, qui comprennent trois musiciens noirs et trois blancs, une mixité rare à cette époque de ségrégation. Rendu à la vie civile, il retrouve son groupe qui fait office de house band au Double Bayou Dance Hall.

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Puis Pete Mayes s’installe à Houston en 1960, sans doute avec l’objectif de donner plus d’élan à sa carrière musicale. Cela lui permettra de jouer et tourner dans les années 1960 et 1970 avec de grandes figures dont Lowell Fulson, Big Joe Turner, Percy Mayfield, Bill Doggett, Junior Parker et Buddy Guy, mais aussi Count Basie, Lionel Hampton et Dizzy Gillespie. Entre 1967 et 1972, il sort deux singles (Moving Out/A Crazy Woman et Peace/Lowdown Feeling) pour le label Ovide (1). Bien qu’il s’agisse d’un label spécialisé dans la soul, les quatre chansons de Mayes, par ailleurs remarquables, sont très ancrées dans le blues texan, avec un chant puissant et bien sûr une guitare pleine d’élégance. Mais cela ne suffit pas et Mayes ne parvient donc pas à vivre de sa musique, ce qui l’oblige pour compléter ses revenus à exercer les métiers les plus divers selon le Houston Chronicle : employé d’un magasin de chaussures, ouvrier agricole dans un ranch, aide-soignant en chirurgie, préposé au nettoyage des toilettes publiques et servant sur un lanceur de missiles ! Il est enfin peintre pour le Houston Independent School District, un emploi après lequel il prend sa retraite avec une pension d’invalidité (à cause du diabète).

Au Double Bayou Dance Hall. © : James Fraher / Getty Images.

En 1983, il hérite du Double Bayou Dance Hall dont il choisit de s’occuper. En effet, il n’a pas abandonné la musique et n’a jamais cessé de se produire avec ses Texas Houserockers. Lors de sessions en 1984 et 1985, Mayes enregistre enfin son premier album sous son nom, « I’m Ready », qui sort en 1986 chez Double Trouble Records. La même année, pour le même label, il apparaît sur l’album « Texas Guitar Master » de Joe « Guitar » Hughes. Quatre chansons de ce disque constituent le court-métrage « Battle of the Guitars » réalisé en 1985 par Alan Govenar. Deux compilations de 1992 (« Low Down Feeling » chez Collectables, « Crazy Woman » chez P-Vine) rassemblent ses singles sur la période 1967-1991. En 1998, il sort chez Antone’s le superbe « For Pete’s Sake », récompensé d’un W.C. Handy Award. Toutes ces réalisations mettent en avant le talent de ce bel héritier de T-Bone Walker, mais il connaît déjà des problèmes de santé. Il subit un quadruple pontage en 2001 et souffre de diabète au point d’être amputé des deux jambes, ce qui ne l’empêche pas de continuer à monter sur scène, notamment dans son Double Bayou Dance Hall, où il enregistre un album live en 2003 (sorti en 2006) sur lequel il apparaît toutefois diminué vocalement. Le 11 septembre 2008, le Double Bayou Dance Hall est gravement endommagé par l’ouragan Ike (il n’a pas rouvert), et Pete Mayes nous quitte peu après, le 16 décembre 2008 à l’âge de soixante-dix ans.

Sweet Mama Cotton avec Pete Mayes (3e à partir de la droite, avec des lunettes) & The Texas Houserockers au Double Bayou Dance Hall. © : Kenne Turner.

Voici maintenant six chansons en écoute.
A Crazy Woman prob. en 1969.
Peace en 1984 ou 1985.
You Don’t Love Me en 1985 avec Joe « Guitar » Hughes.
Pony Tail en 1998.
I Like Your Style en 1998.
Just Like A Fish en 1998.
(1). Pete Mayes a également gravé quatre faces avec Junior Parker en 1969 chez Blue Rock.En 1978, il joue de la guitare sur « Midnight Slows Vol. 9 », un album de six morceaux du claviériste très éclectique Bill Doggett (jazz, R&B, blues, rock ‘n’ roll…) chez Black and Blue, qui le rééditera en 2005 avec cinq plages supplémentaires, cette fois sous le titre « Am I Blue ».

La plaque commémorative installée sur le site du Double Bayou Dance Hall. © : Ethan Grossman / Texas Escapes.