
Le pianiste Albert Ammons fut un des meilleurs adeptes du boogie-woogie dans les années 1930 et 1940, quand ce style était au faîte de sa popularité. Sa carrière fut courte du fait de sa mort prématurée à seulement quarante-deux ans, mais son influence reste considérable. Il naît Albert Clifton Ammons le 7 mars 1907 à Chicago, Illinois, et ses parents, âgés de dix-sept ans, Anna Elizabeth Sherman et James Wesley Ammons, sont tous deux pianistes. Il apprend donc tout naturellement l’instrument à dix ans, d’abord sur un piano mécanique, en jouant d’abord lentement un rouleau avant d’accélérer, afin de se familiariser progressivement avec les accords et les harmonies. Et au bout de deux ans, aidé par son père qui était serveur dans un club, il maîtrise déjà le blues et le boogie-woogie.

Le jeune Albert est également percussionniste dans une formation de tambours et clairons dérivée des ensembles militaires, il ajoute ainsi la batterie à son bagage et parvient même à se produire dans des clubs avant d’avoir l’âge légal. Toujours à l’adolescence, il se lie d’amitié avec un autre pianiste, Meade Lux Lewis, avant de se marier en 1923 avec Lila Sherrod, âgée de quinze ou seize ans, qui accouche d’une fille en 1924 puis d’un garçon l’année suivante, qui n’est autre que le grand saxophoniste de jazz Gene Ammons… Albert Ammons est donc de plus en plus actif dans les clubs en soirée, très souvent avec Lewis, et tous deux sont aussi chauffeurs de taxi la journée. Les deux artistes en herbe progressent et échafaudent leur boogie-woogie inspiré du ragtime et du piano barrelhouse, mais également influencé par le style plus marqué par le blues de Jimmy Yancey, Clarence « Pinetop » Smith et Hersal Thomas.

Les deux pianistes vivent un temps à Détroit vers 1926 mais reviennent à Chicago, où Lewis enregistre fin 1927 pour Paramount le fameux Honky Tonk Train Blues. Ammons, qui s’est remarié en 1929, ne trouve pas le chemin des studios, victime des effets de la Grande Dépression, mais il fonde en 1934 un groupe en résidence au prestigieux Club DeLisa dans le South Side, où il reste deux ans. Outre Ammons, la formation très jazzy comprend Guy Kelly (chant, trompette), Dalbert Bright (saxophone, clarinette), Israel Crosby (contrebasse) et Jimmy Hoskins (batterie). Le 17 septembre 1934, il apparaît pour la première fois sur disque en jouant du piano sur deux faces de John Oscar with Banks Chesterfield’s Orchestra. Mais le 13 janvier 1936, désormais à la tête de ses Rhythm Kings, Albert Ammons fait cette fois ses débuts discographiques sous son nom chez Decca, et enregistre ce jour-là Nagasaki et Boogie Woogie Stomp, puis le lendemain Early Mornin’ Blues et Mile-Or-Mo Bird Rag.

Albert Ammons s’installe ensuite à New York où il joue au Café Society avec un autre pianiste célèbre, Pete Johnson, et de temps à autre avec son ami Meade Lux Lewis. Le trio est retenu par le producteur John Hammond pour son premier concert « From Spirituals to Swing » le 23 décembre 1938 au Carnegie Hall à New York, durant lequel Ammons accompagne aussi Sister Rosetta Tharpe sur deux morceaux. Lors de la deuxième édition de ce concert le 24 décembre 1939, Ammons sera présent au piano avec Big Bill Broonzy. Mais entre-temps, une autre consécration s’était produite. Alfred Lion, un des fondateurs de Blue Note qui avait assisté au concert du Carnegie en décembre 1938, a inauguré le catalogue de son label le 6 janvier 1939 avec neuf faces d’Albert Ammons, quatre de Meade Lux Lewis et deux autres par les deux pianistes ensemble.

Au début des années 1940, Ammons est un des interprètes les plus populaires du boogie-woogie, ce qui lui vaut d’enregistrer pour Victor, mais il connaît toutefois des problèmes de santé en 1941. Il se coupe le bout d’un doigt en confectionnant un sandwich, mais la blessure apparemment bégnine s’aggrave, causant des douleurs et même une paralysie partielle des mains (on parle aujourd’hui de syndrome douloureux régional complexe). Ammons finit par récupérer et à partir de 1944, alors qu’il est revenu à Chicago, il reprend ses enregistrements, pour Commodore et surtout Mercury, avec un succès qui ne se dément pas, même si la mode du boogie-woogie (à l’origine aussi du rock ‘n’ roll, ne l’oublions pas !) commence à passer. Il collabore avec des figures comme Sippie Wallace, Lonnie Johnson, son vieil ami Meade Lux Lewis, mais aussi son fils Gene… Le 20 janvier 1949, il joue lors de l’investiture du président Harry S. Truman. Moins d’un an plus tard, après de nouvelles alertes de santé au niveau des mains, il s’éteint le 2 décembre 1949 à l’âge de quarante-deux, selon la version officielle de causes naturelles.

Voici maintenant huit chansons en écoute.
– Boogie Woogie Stomp en 1936.
– Café Society Rag en 1939 avec Pete Johnson et Meade Lux Lewis.
– Done Got Wise en 1939 avec Big Bill Broonzy.
– Bedroom Blues en 1945 avec Sippie Wallace.
– St. Louis Blues en 1946.
– Swanee River Boogie en 1946.
– S.P. Blues en 1947 avec Gene Ammons.-
– Baltimore Breakdown en 1948.

