
Dans un article du 18 avril 2023, j’ai consacré un article à John Littlejohn, qui fut à mon sens un des meilleurs adeptes de la guitare slide à Chicago durant sa carrière sous son nom, débutée en 1966 pour s’achever au début des années 1990. Il convient de préciser que Littlejohn était également un chanteur très expressif et il mériterait d’être mieux reconnu. Né dans le Mississippi le 16 avril 1931, il se fixe à Chicago en 1952 et commence à se produire dans les clubs alors que l’âge d’or du blues moderne atteint son apogée. En décembre 1953, il apparaît pour la première fois sur disque comme accompagnateur de Jimmy Reed sur trois chansons dont You don’t have to go, premier hit de Reed qui atteint la cinquième place des charts R&B de Billboard, au sein d’une formation qui comprend également Eddie Taylor à la guitare et Albert King à la… batterie !

Il doit toutefois attendre treize ans pour enregistrer sous son nom en 1966 puis 1968, mais pour de petits labels comme Margaret et T.D.S. bien qu’il soit très bien entouré : Abb Locke au saxophone, Lafayette Leake au piano, Calvin Jones à la basse et Bill Warren à la batterie. Toujours en 1968, le 14 novembre, il y a donc tout juste cinquante-sept ans, il grave également un single pour le label Joliet Records du Californien Bruce Bromberg, Dream/Catfish blues. On relève qu’il est produit par Willie Dixon et Chris Strachwitz. Les deux chansons figurent d’ailleurs sur l’album complet enregistré le même jour pour le label de Strachwitz, Arhoolie, et s’intitule « John Littlejohn’s Chicago Blues Stars », avec les musiciens suivants : Monroe Jones Jr. (guitare), Robert Pulliam et Willie Young (saxophone, chœurs), Alvin Nichols (basse, chœurs) et Booker Sidgrave (batterie).

Ces « Blues Stars » ne sont pas les artistes les plus connus du temps mais ils font partie de ces musiciens de studio expérimentés toujours très demandés. Et le résultat est remarquable, du Chicago Blues cuivré sublimé çà et là par une slide pénétrante et une voix profonde enracinées dans le Delta, le tout mû par une rythmique tout en souplesse. Même des « scies » comme Catfish blues et Shake your money maker semblent sortir d’une cure de jouvence ! Quand le tempo s’accélère (l’instrumental Slidin’ home, Kiddeo, le shuffle Treat me wrong, Reelin’ and rockin’, How much more long toutes griffes dehors), sortir la tête de l’eau relève de la gageure. Sur les blues lents What in the world you goin’ to do, Dream et Been around the world, on a tout le temps de s’imprégner du climat tendu de la musique de Littlejohn. Enfin, les deux chansons en bonus sur la réédition en CD, I’m tired et Nowhere to lay my head, ne sauraient s’assimiler à du fond de tiroir… Littlejohn réalisera ensuite une demi-douzaine d’albums jusqu’en 1992, souvent d’un très bon niveau, que j’évoque dans l’article cité plus haut. Il travaillera aussi avec d’autres artistes notables, dont Bob Riedy, Lafayette Leake, Buster Benton et Valerie Wellington, née aussi un 14 novembre (1959) mais hélas foudroyée à trente-trois ans par une rupture d’anévrisme. Quant à John Littlejohn, il nous a quittés le 1er février 1994 à l’âge de soixante-deux ans.

