Sherman Robertson, né un 27 octobre

À Vaison-la-Romaine en septembre 2008. © : Brigitte Charvolin / Soul Bag.

Dans sa biographie sur le site d’Allmusic, Richard Skelly décrit le bluesman en ces termes : « Le guitariste, chanteur et compositeur Sherman Robertson est un produit de la région du pays où il a grandi, à la fois zydeco, swamp blues, blues électrique et R&B classique. » Je trouve que cela résume fort bien l’éclectisme qui caractérisait cet artiste qui accompagna les plus grands du zydeco. Skelly s’arrête ensuite sur le jeu de guitare de Robertson, effectivement très brillant en rythmique comme lors de solos incandescents, sur lesquels son attaque incisive et ses notes tantôt tenues tantôt glissées étaient sa marque. Sherman Robertson fut un guitariste d’exception et il importe de le souligner, mais il chantait également très bien, d’une voix grainée teintée de soul, et ses prestations scéniques, durant lesquelles il se dépensait sans compter, marquaient les esprits (mon compte-rendu sur le site de Soul Bag suite à son concert en 2009 au festival Happy Days au Fontanil-Cornillon en banlieue grenobloise). Un bluesman très talentueux, ce que sa discographie sous son nom ne traduit que partiellement, mais ne l’oublions pas.

© : Discogs.

Sherman Robertson voit le jour le 27 octobre 1948 à Breaux Bridge, en plein Pays cajun en Louisiane. Il n’y reste pas longtemps car sa famille s’installe deux ans plus tard à Houston au Texas. À treize ans, il voit Hank Williams à la télévision et décide qu’il fera carrière dans la musique. Son père lui achète sa première guitare, et s’il écoute d’abord des artistes de R&B populaires dans les années 1940, des bluesmen comme Freddie King et B.B. King attirent aussi son attention. En outre, Robertson vit dans le Fifth Ward, « fief » de Don Robey avec les labels Peacock puis Duke, et en grandissant, il fait des rencontres, mène ainsi petit à petit son chemin sur la scène musicale locale et commence à jouer dans des clubs. Ensuite, grâce à son professeur de musique Conrad O. Johnson, il rejoint le Kashmere Stage Band, qui mêle soul, funk, R&B et jazz. Le groupe sort un premier album en 1969, « Our Thing », qui voit donc Robertson débuter sur disque.

© : Discogs.

Bénéficiant désormais d’une belle réputation, Robertson joue avec Junior Parker et surtout Bobby Bland qu’il accompagne en tournée. Il a également son propre groupe, le Crosstown Blues Band, avec lequel il sort deux albums pour Lunar #2 Recordings, « Married Blues » (1974) et « Bad Luck and Trouble » (1979). En 1981, Lunar #2 sort un troisième disque de la formation, mais il s’agit en fait d’enregistrements live des années 1978-1980 que Robertson partage avec des artistes qu’il accompagnait sur scène, Peppermint Harris, Big Mama Thornton, Big Walter Price (crédité Big Walter The Thunderbird) et The Drifters. Lunar #2 n’est pas largement diffusé mais Robertson n’est plus un anonyme, et en 1982, lors du Crosstown Blues Festival, il est remarqué par Clifton Chenier, aux côtés duquel il va finalement rester durant cinq ans ! On entend ainsi Robertson à son avantage sur les derniers albums de Chenier, « Live at the San Francisco Blues Festival (Arhoolie, 1983) et « Country Boy Now Grammy Award Winner 1984! » (Maison de Soul).

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Robertson continue de s’impliquer dans le zydeco, d’abord avec Rockin’ Dopsie sur l’album « Crowned Prince of Zydeco » chez Maison de Soul en 1986. La même année, les membres du groupe de Dopsie, The Twisters avec Robertson à la guitare, sont présents sur la chanson That was your mother de l’album « Graceland » (Warner) de Paul Simon, qui obtient deux Grammy Awards dont celui du meilleur disque. Peu après, Robertson collabore durant deux ou trois ans avec Terrance Simien & The Mallet Playboys, mais il travaille aussi avec Johnny Copeland, ce qui le ramène au blues. Le producteur britannique Mike Vernon, toujours à l’affût, repère Robertson, et avec le soutien d’Atlantic, il sort sur son label Code Blue deux albums de l’artiste, « I’m the Man » (1993) et « Here & Now » (1995), qui confirment qu’il fait partie des bluesmen les plus intéressants en activité.

© : Fin Costello / Blues Compartido.

En 1998, entouré de musiciens dont deux membres du groupe de rock Little Feat (Bill Payne aux claviers et Richie Hayward à la batterie), il signe chez AudioQuest un autre disque de haut niveau, « Going Back Home ». De façon un peu inattendue (inexplicablement, malgré son indiscutable talent, il n’est jamais parvenu à travailler pour un label « majeur »…), ce sera son dernier album studio, et il faudra attendre 2005 pour que Crosscut sorte un disque live là encore réussi, « Guitar Man Live ». Mais il n’est pas resté inactif entre-temps, en multipliant les tournées européennes, y compris en France où il était particulièrement apprécié. Malheureusement, fin 2011, sur le chemin du retour après une énième tournée sur le Vieux Continent, alors qu’il préparait un nouvel album, Sherman Robertson est victime d’une attaque cérébrale. Il ne s’en remettra jamais vraiment et nous quittera le 28 janvier 2021 à l’âge de soixante-douze ans.

À Utrecht, Pays-Bas, en 1991. © : Christian Mariette / Soul Bag.

Voici maintenant dix chansons en écoute.
Make it train en 1993.
Linda Lou en 1993.
Lookin’ up at the bottom en 1995.
This world en 1995.
Me, my guitar and the blues en 1998.
Driving all night en 1998.
Black cat bone (sans date).
Shake, rattle & roll (sans date).
With Bobby « Blackhat » Walters (sans date).
My job, myself, my problem en 2009.

© : Discogs.