Les disques de l’année 2025, # 3 : Bob Stroger

© : Delmark Records.

Pour la cinquième année consécutive, je vous propose ma liste des 10 disques qui ont selon moi marqué cette année 2025. Comme toujours, je vous rappelle qu’il ne s’agit pas d’un classement, mais seulement d’une liste de mes dix disques préférés. En revanche, début 2026, je publierai cette fois un véritable Top 10 de ces albums de l’année 2026. Comme l’année dernière, outre les disques, je vous proposerai aussi une liste de mes cinq livres favoris. À compter d’aujourd’hui jusqu’aux fêtes de fin d’année, vous trouverez donc chaque semaine la présentation d’au moins un disque ou un livre. Le troisième album est « Bob Is Back » par Bob Stroger and the Headcutters, sorti chez Delmark. Honnêtement, j’ai un peu hésité avant d’intégrer le disque d’un artiste âgé de quatre-vingt-quatorze ans, mais la qualité est au rendez-vous et il a donc toute sa place ici !

Ricardo Maca, Bob Stroger, Leandro « Cavera » Barbeta, Joe Marhofer et Arthur « Catuto » Garcia. © : Lorena Jastreb / Delmark Records.

Né le 27 décembre 1930 à Hayti, Missouri, Bob Stroger s’est installé à Chicago en 1955 où il actif depuis désormais soixante-dix ans. Habitant tout près du club Silvio’s dans le West Side, d’abord au service du groupe de J.B. Hutto comme chauffeur, il baigne très vite dans l’ambiance du blues de la Windy City. Il forme un groupe familial avec son cousin Ralph Ramey à l’harmonica et son frère John à la batterie, travaille avec Willie Kent mais sa rencontre avec Eddie King est décisive : à partir de 1969, il va rester une quinzaine d’années aux côtés du chanteur-guitariste. Bob Stroger collaborera également avec Otis Rush, Sunnyland Slim, Mississippi Heat et Mike Wheeler, tout en formant avec le batteur Odie Payne une section rythmique très demandée, puis avec un autre maître des fûts, Willie « Big Eyes » Smith. Avant tout accompagnateur, il a toutefois davantage enregistré sous son nom ces dernières années. Voici maintenant le texte de ma chronique publiée dans le numéro 259 de Soul Bag, et quatre extraits en écoute, Jazz man blues, Loan me train fare, Bob is back in town et Don’t you lie to me.

© : Delmark Records.

BOB STROGER AND THE HEADCUTTERS
BOB IS BACK!
CHICAGO BLUES
J’avais des doutes à l’heure d’écouter ce disque. Bob Stroger, 94 ans, serait-il à la hauteur vocalement ? Eh bien oui ! Certes, le timbre n’a plus l’ampleur de jadis et n’attendez pas que le vétéran se risque aux élans lyriques… Mais sa voix reste suffisante pour qu’il assure le chant sur 11 des 12 chansons, avec un swing vocal étonnant sur des tempos rapides, voir Jazz man blues, sur lequel il cède même à un solo de basse ! Et Bob sait s’entourer. Comme sur son précédent opus (« That’s My Name » en 2022), il fait appel aux excellents musiciens brésiliens du groupe The Headcutters. Joe Marhofer (harmonica) et Ricardo Maca (guitare) sont remarquables de feeling de bout en bout, d’autant qu’ils s’appuient sur une rythmique impeccable. Je n’oublie pas le pianiste Ben Levin, dont les échanges avec Marhofer laissent croire qu’ils ont joué toute leur vie ensemble : Champagne and reefer, Loan me train fare et Thinking and drinking en attestent. Il y a de grands moments comme Jazz man blues déjà cité, les blues lents Bob is back in town et Gold tailed bird, ou encore cette lecture exaltée de Love you baby (avec Candice Ivory et Renée Gros aux chœurs). En fait, ça joue remarquablement à tous les étages, la cohésion de l’ensemble et le plaisir que prennent les intervenants étant bien illustrés sur Don’t you lie to me aux airs de rumba. L’album n’est toutefois pas révolutionnaire et compte quatre compositions contre huit reprises, mais la plupart sont bien choisies et surtout revues avec une justesse et un enthousiasme contagieux. Face à cette réalisation quasiment sans faiblesse, on salue dès lors volontiers ces artistes, car il n’y a pas tromperie sur la marchandise, et leur interprétation revitalise ce blues qui apparaît plus que jamais immortel. Comme Bob Stroger, finalement.
© : Daniel Léon / Soul Bag.

© : Delmark Records.