
Cela faisait longtemps que j’envisageais de consacrer un portfolio à l’accordéon, instrument phare de la musique cadienne et du zydeco, traditions musicales qui me sont particulièrement chères. Il est donc temps d’y venir d’autant que l’histoire de l’accordéon en Louisiane est très ancienne. Elle débute en effet probablement dans la première moitié du XIXe siècle, autrement dit à une époque où le blues (tout comme le jazz) n’était même pas encore en gestation. On prête souvent l’invention de l’accordéon « moderne » à l’Allemand Christian Friedrich Ludwig Buschmann, concepteur en 1822 d’un instrument certes archaïque, mais quand même muni d’un soufflet, d’un clavier et de boutons, qu’il appelle handäoline. Sept ans plus tard, le 6 mai 1829, l’Autrichien d’origine arménienne Cyrill Demian dépose le brevet d’un instrument dérivé qu’il a amélioré, qu’il nomme cette fois akkordion. L’accordéon est né et se répand rapidement.

Et comme d’autres Européens, des colons allemands investissent alors la vallée du Rio Grande, une région très fertile à la frontière du Mexique et du Texas, où ils introduisent l’accordéon, qui sera la base d’un style musical local, le conjunto norteno. De nos jours, nous savons aussi, du fait de la proximité géographique des deux États, que des artistes de musique cadienne et de zydeco installés en Louisiane sont originaires du Texas. En tout cas, dès 1834, le fabricant d’instruments Charles Bruno (un Allemand comme son nom ne l’indique pas !) a une antenne à San Antonio où il propose des accordéons. Parallèlement, d’autres Allemands arrivent en Louisiane par l’embouchure et le cours inférieur du Mississippi, favorisant davantage la propagation de l’instrument, probablement dès les années 1840.

En Louisiane, l’accordéon n’est pas très présent dans les zones marécageuses des bayous, mais dans les vastes prairies de l’Acadiane (qui occupe 37 000 km2 au centre-sud de l’État), où les colons exploitent des fermes en cultivant essentiellement du riz. La musique cadienne existe déjà mais le violon prédomine. Néanmoins, l’accordéon s’impose peu à peu, d’autant qu’il est relativement facile à fabriquer et pas si cher car la production locale se développe, son apprentissage est plutôt rapide, et surtout son volume sonore est un avantage ! Comme nous le verrons dans le portfolio, aux côtés des Cadiens venus au XVIIIe siècle de l’Acadie au nord-est du Canada (mon article du 21 juin 2024), des Créoles également francophones utilisent bien l’accordéon dès les années 1850. Dans les années 1920, ils réaliseront les premiers enregistrements de musique cadienne ou cajun, et à partir de la fin de la décennie suivante, des artistes cette fois plus souvent anglophones créeront un nouveau courant avec des ingrédients tirés du blues et du R&B, le zydeco. Dans tous les cas, l’accordéon reste l’instrument central dans ces traditions qui s’entremêlent pour mieux cohabiter, dont les racines nous ramènent au moins 175 ans en arrière et qui demeurent aujourd’hui très vivaces. Je vous propose donc 30 images qui retracent cette belle histoire avec quelques grandes figures.


























