
Le secret était bien gardé jusqu’à la chronique publiée dans le numéro 260 de Soul Bag paru le 12 septembre dernier. Joël Dufour vient de publier chez Frémeaux & Associés Ray Charles on Records – Discographie complète de Ray Charles (516 pages, 38 euros), dont je ne serais pas surpris qu’il soit consacré livre de l’année. Je vous invite d’ores et déjà à lire l’interview de Joël sur le site de Soul Bag (par Ulrick Parfum), qui évoque cette entreprise que l’on peut qualifier de colossale. Je viens seulement d’acheter l’ouvrage que j’ai à peine parcouru, mais c’est suffisant pour vous le présenter dans un premier temps. Après une préface de Patrick Frémeaux, Joël Dufour, souvent cité comme le meilleur spécialiste mondial de Ray Charles, propose une « Introduction en forme d’avertissement au lecteur » qui débute ainsi : « Ce livre n’est pas l’ouvrage savant d’un ethnomusicologue. C’est juste celui d’un amateur passionné de musique afro-américaine à qui d’heureuses rencontres et circonstances (et beaucoup d’obstination) ont permis, en marge de son métier, de faire partager un peu de son amour pour le blues, le jazz et la soul music – et en particulier pour Ray Charles – à travers des écrits (dont 50 ans au service du magazine français Soul Bag), des collaborations en tant qu’assistant de recherches sur des publications d’enregistrements du « Genius » effectuées par des marques de disques américaines (Pablo, Rhino, Concord), et enfin comme concepteur, pour l’éditeur français Frémeaux & Associés, de coffrets CD d’enregistrements de Ray Charles (dans leur grande majorité précédemment inédits) de cet âge d’or [de] sa musique que représente le début des années 1960. »

Suit une section « Repères biographiques », une chronologie qui reprend les grandes lignes de la vie et de la carrière du Genius. Vient ensuite un chapitre essentiel de plus de 130 pages intitulé « Les enregistrements ayant le nom de Ray Charles dans leur titre » : il s’agit tout simplement de toutes ses réalisations sous son nom et sur différents supports (78-tours, 33-tours, CD, DVD…) depuis ses débuts discographiques en 1949. Joël ne se contente pas d’en faire la liste, il les commente, les analyse, s’arrête sur les différentes chansons, sur la qualité sonore… La partie suivante, « Enregistrements comportant une participation remarquable de Ray Charles », porte sur les contributions notables du Genius auprès d’autres artistes, et nous savons combien elles sont nombreuses, depuis 1962 avec son label Tangerine inauguré par Percy Mayfield, jusqu’à sa participation en 2003 au film Piano Blues de Clint Eastwood dans le cadre de la série « Martin Scorsese Presents the Blues ».

Il importe de préciser que ce livre est jusque-là bilingue français-anglais. Ce n’est plus le cas à partir de la discographie/vidéographie, exclusivement en anglais, car comme le précise Joël, « [c’]est d’usage pour la presse spécialisée dans la musique afro-américaine, quelle que soit la langue du pays d’origine de la publication ». Un choix d’autant plus légitime qu’il est inutile de maîtriser l’anglais pour lire (et surtout comprendre…) une telle discographie. Impressionnante et très détaillée, elle s’étend sur quelque 230 pages (!) et décline toutes les infos nécessaires : titres des morceaux, lieux et dates des enregistrements, personnels, labels… Et ce n’est pas terminé. L’ouvrage se complète avec un index ordonné alphabétiquement des producteurs, arrangeurs, chanteurs et musiciens, un autre des morceaux, enfin avec quatre listes des albums vinyle, des CD, des vidéos et des DVD de Ray Charles sous son nom. Il va de soi que le travail est magistral, qu’il n’existe rien de comparable sur cet artiste et que je ne manquerai pas d’y revenir plus longuement. Mais à l’heure où nous célébrons le centenaire de la naissance de B.B. King (le 16 septembre 1935), et au lendemain des 95 ans de celle de Ray Charles (le 23 septembre 1930), j’aimerais conclure avec cette citation page 199 du livre qui associe ces deux géants de la musique populaire contemporaine, à propos du dernier album du Genius, « Genius Loves Company » (Concord), composé de duos et sorti en 2004 quelques semaines après sa mort : « (…) il y a de grands moments dans ce recueil, dont le sommet restera cette magnifique, poignante reprise, avec B.B. King, de Sinner’s prayer (…). »
