
16 septembre 1925 – 16 septembre 2025. Nous y sommes. B.B. King aurait eu 100 ans aujourd’hui… Tout a été dit et écrit sur ce géant du blues et de la musique populaire du XXe (et du début du XXIe) siècle, je ne vois pas ce que je pourrais ajouter ou apporter. Alors je vous propose, en ce 16 septembre 2025, de simplement nous faire plaisir avec 25 chansons tirées de l’exceptionnelle discographie du bluesman. Car finalement, toute sa vie durant, B.B. King n’aura fait que ça, se faire et nous faire plaisir…

1- Miss Martha King en 1949 chez Bullet. En 1949, B.B. King est déjà connu grâce à la radio. Dès 1943, à seulement dix-huit ans, sous son nom de naissance Riley King et en tant que guitariste au sein des Famous St. John’s Gospel Singers, il est programmé à l’antenne de WGRM à Greenwood, Mississippi. Cinq ans plus tard, désormais actif à West Memphis, Arkansas, il intervient un temps sur KWEM grâce à Sonny Williamson II, ce qui lui permet de jouer localement, notamment sur Beale Street à Memphis, et d’attirer l’attention du public. Et fin 1948, il est engagé par WDIA, la première radio aux États-Unis entièrement dédiée aux Afro-Américains. Il finit par animer une émission qui dure deux heures, devient le Beale Street Blues Boy puis simplement B.B. King, gagne en confiance et en assurance, ce qui lui servira ensuite pour s’exprimer en public… Sa réputation lui vaut ainsi d’être remarqué par Sam Phillips, qui débute dans le milieu et travaille à la fois avec les frères Bihari du label RPM et le fondateur Jim Bulleit (oui, avec un « i ») de Bullet. Pour cette dernière marque installée à Nashville, B.B. King grave en 1949 ses quatre premières faces, Miss Martha King, When your baby packs up and goes, Got the blues et Take a swing with me. J’ai donc choisi la première pour débuter cette sélection. La légende est en marche…

2- 3 o’clock blues vers septembre 1951 chez RPM. On retrouve à Memphis Sam Phillips qui fondera en février 1952 Sun Records mais qui a déjà son studio, Joe Bihari du label RPM Records, de Los Angeles mais qui vient souvent à Memphis travailler avec Phillips, et un jeune pianiste qui leur sert aussi de découvreur de talents, Ike Turner. Ce dernier repère B.B. King que RPM s’empresse d’engager en 1950, pour un long bail car le bluesman gravera pour la marque plus de 70 faces jusqu’en 1957 ! Après cinq premiers singles, probablement en septembre 1951, B.B. entre en studio avec un groupe monté à la hâte (mais avec quand même Hank Crawford et Ben Branch aux saxophones, peut-être Willie Mitchell à la trompette et Ike Turner au piano) et reprend 3 o’clock blues de Lowell Fulson (1946). Le 22 décembre 1951, la chanson sort et atteint la sixième place des charts R&B de Billboard, puis la première place le 2 février 1952. Elle occupera le sommet du classement pendant cinq semaines. 3 o’clock blues n’est pas seulement le premier grand succès de B.B. King, il lance sa carrière, en fait une star qui change de statut et de dimension, dont les revenus sont dès lors multipliés par 30, passant de 85 dollars à 2 500 dollars par semaine (source : The B.B. King Companion: Five Decades of Commentary par Richard Kostelanetz, Schirmer Trade Books, 1997).

3- You upset me baby en septembre 1954 chez RPM. Pour la quatrième fois, qui plus est une de ses compositions, une de ses chansons se hisse à la première place des charts. Un exemple de tension-détente avec des paroles dans lesquelles il nous explique avec humour comment il voit la femme « idéale ».

4- Every day I have the blues en janvier 1955 chez RPM. On doit la version originale au chanteur-pianiste Aaron « Pinetop » Sparks, qui l’enregistra le 28 juillet 1935 avec Henry Townsend à la guitare. Elle fit ensuite l’objet de « réadaptations/réarrangements », notamment par le chanteur-pianiste Memphis Slim, et le saxophoniste et chef d’orchestre Maxwell Davis, qui se chargea justement à partir de 1955 des arrangements pour les labels des frères Bihari (Modern, RPM, Crown et Kent). B.B. a bénéficié des arrangements de Davis pour son adaptation. Every day I have the blues a « seulement » atteint la huitième place des charts, mais elle devint une chanson phare de son répertoire, très souvent jouée en ouverture de ses concerts.

5- Sweet sixteen part 1 & 2 le 26 octobre 1959 chez Kent. B.B. King enregistre maintenant pour Kent, un autre label des frères Bihari. Une chanson intitulée Sweet sixteen est écrite et réalisée le 25 février 1935 par le chanteur-pianiste Walter Davis. Ahmet Ertegün, fondateur d’Atlantic en 1947, en fera une adaptation notablement différente qui sera d’abord enregistrée par Big Joe Turner le 20 janvier 1952. Le single de B.B. King atteindra la deuxième place des charts, et il s’agit une fois de plus de la version la plus populaire de ce classique du blues.

6- Rock me baby avant le 14 janvier 1962 chez Kent. En octobre 1952, le chanteur-guitariste Melvin « Lil’ Son » Jackson grave Rockin’ and rollin’. Le 1er décembre 1956, Muddy Waters en personne reprend la chanson en modifiant partiellement les paroles, qui devient Rock me. Et B.B. King signe ensuite sa propre version, sous le titre Rock me baby. Mais on ne sait pas exactement quand elle a été enregistrée, avant le 14 janvier 1962 en tout cas, date à laquelle B.B. a signé un nouveau contrat pour ABC. Mais Kent a continué de sortir des disques du bluesmen jusqu’au début des années 1970 ! Kent a d’ailleurs sorti Rock me baby en mai 1964, mais B.B. King a pu l’enregistrer dès 1958… Quoi qu’il en soit, c’est un des blues les plus connus et les plus repris.

7- I’ve got papers on you baby en juin 1959 chez Crown. Dans la seconde moitié des années 1950, en plus de ses singles, deux albums au nom de B.B. King sont sortis, mais il s’agissait de compilations de chansons de ses débuts. En 1959, Crown a sorti son premier véritable album original, « B.B. King Wails », dont ce morceau est extrait.

8- Jesus gave me water en octobre 1959 chez Crown. Sur cet album un peu à part dans sa discographie, « B.B. King Sings Spirituals », le bluesman reprend des standards du gospel. Ce qui n’a rien d’aberrant quand on sait quel magnifique chanteur il fut, justement formé à l’école du gospel dans sa jeunesse.

9- Catfish blues en 1958 ou 1960 chez Crown. De façon plutôt inattendue, B.B. King reprend ce classique du Delta Blues sur l’album « My Kind of Blues », dont la date d’enregistrement précise n’est pas clairement établie. Mais on relève qu’il relit aussi des chansons d’autres bluesmen ruraux dont Lightnin’ Hopkins et Memphis Minnie… Ce disque est aujourd’hui méconnu mais il est formidable, et selon Daniel de Visé dans King of the Blues: The Rise and Reign of B.B. King (Black Cat, 2021), B.B. King lui-même assurait que c’était son album préféré.

10- How blue can you get le 21 novembre 1964 chez ABC. Tous les superlatifs ont été usés jusqu’à la corde pour qualifier l’album « Live at the Regal », un des meilleurs albums de l’histoire du blues sur lequel tout semble parfait : le chant et la guitare de B.B., la cohésion des accompagnateurs, l’interprétation et les arrangements, le public du Regal Theater à Chicago… Et les paroles de How blue can you get sont irrésistibles !

11- Gambler’s blues le 5 novembre 1966 chez BluesWay. Moins connu que « Live at the Regal », également enregistré en public à Chicago mais dans un autre lieu (l’International Club), « Blues Is King » est pourtant quasiment du même très haut niveau. Et ce Gambler’s blues est d’une incroyable intensité.

12- Lucille le 20 décembre 1967 chez BluesWay. B.B. King était évidemment obligé de dédier au moins un album à sa guitare qu’il appelait Lucille (c’est donc aussi le nom du disque), en l’occurrence cette Gibson Signature ES-355 qu’il faisait sonner comme personne.

13- The thrill is gone en juin 1969 chez BluesWay. Sur cet album « Completely Well », B.B. King reprend pour la première fois sur disque cette chanson, écrite en 1951 par Roy Hawkins et Rick Darnell, dont il fit un standard planétaire toujours au répertoire de très nombreux bluesmen actuels.

14- Please accept my love le 10 septembre 1970 chez ABC. Encore une chanson extraite d’un album live, « Live in Cook County Jail », mais comme son titre l’indique cette fois dans une prison. B.B. King s’en accommode parfaitement bien et prouve avec cette réalisation qu’il savait s’adapter à toutes les circonstances sur scène.

15- Driftin’ blues fin 1974 chez ABC/Dunhill. Extrait du premier des deux disques enregistrés avec Bobby « Blue » Bland, « Together for the First Time… Live » lors de sessions dans les conditions du live. Les deux artistes ont beaucoup tourné ensemble à l’époque, et malgré quelques longueurs (dont un medley de 10 chansons !), la rencontre de ces deux grands vocalistes réserve de très bons moments.

16- Never make a move too soon en 1978 chez ABC. Tiré d’un album les plus originaux de sa discographie, « Midnight Believer », et finalement sans doute son meilleur des années 1970, du moins en studio. Une réussite largement due aux Crusaders, dont le jazz funky apporte beaucoup de fraîcheur à l’ensemble et permet à. B.B. King d’évoluer détendu.

17- Born again human en 1981 chez MCA. L’album « There Must Be a Better World Somewhere » prouve combien B.B. King, en avançant dans sa carrière, a su s’adapter et évoluer pour éviter de sombrer dans la routine. Il est ici accompagné de remarquables musiciens, dont Dr. John, David « Fathead » Newman, Hank Crawford (déjà présent sur 3 o’clock blues en 1951, voir plus haut), Bernard Purdie…

18- Rainbow riot le 16 septembre 1983. Avec « Blues ‘N’ Jazz », enregistré le jour de son cinquante-huitième anniversaire et récompensé d’un Grammy Award, B.B. King renoue avec un blues très jazzy, efficace et percutant avec des cuivres très présents, comme sur l’instrumental que j’ai choisi. Mais la pochette du disque, hum…

19- Call it stormy Monday en février 1993. Avec son statut de star internationale et de roi du blues, B.B. King se devait de convier d’autres artistes de blues et de R&B pour un album de duos (sauf une chanson), « Blues Summit ». Robert Cray, Katie Webster, Buddy Guy, John Lee Hooker, Koko Taylor, Joe Louis Walker et Ruth Brown figurent ainsi au casting. Tout comme le génial Albert Collins sur l’extrait retenu, qui apporte sa contribution brûlante à cet ensemble par ailleurs impeccable.

20- When it all comes down (I’ll still be around) le 15 juillet 1993 chez Eagle Vision. Ce jour-là, B.B. King a donné un énième concert remarquable lors du festival de Montreux en Suisse, heureusement immortalisé sur un CD et un DVD.

21- Baby I love you en 1997 chez MCA. Après « Blues Summit » en 1993 et « Lucille & Friends » en 1995 (dont je n’ai pas pris d’extrait), B.B. King propose un troisième album de duos, « Deuces Wild », plus ouvert que les deux précédents à des artistes de rock, de country et même de pop et hip-hop : Van Morrison, Tracy Chapman, Eric Clapton, Mick Hucknall, D’Angelo, Marty Stuart, Dionne Warwick, Paul Carrack, The Rolling Stones, Zucchero, Joe Cocker, Heavy D, David Gilmour, Willie Nelson… Hétéroclite mais donne une idée de l’aura de B.B. Sur la chanson choisie, il croise le fer avec la toujours excellente Bonnie Raitt.

22- Blues man en 1998 chez MCA. Extrait d’un bel album, « Blues on the Bayou », qui montre un B.B. King apaisé accompagné cette fois de son groupe habituel. Et tout est dit dans les paroles !

23- Is you is or is you ain’t my baby en 1999 chez MCA. Avec l’album « Let the Good Times Roll: The Music of Louis Jordan », B.B. King rend hommage à une de ses idoles, Louis Jordan, mais aussi aux interprètes du R&B et du swing qu’il aime tant. Encore une réussite bien sûr, avec forcément en extrait une reprise de Louis Jordan.

24- Worried life blues en 2000 chez Duck/Reprise. B.B. King et Eric Clapton se connaissaient depuis les années 1960 et avaient joué ensemble dès cette époque, mais ils n’avaient jamais enregistré d’album complet ensemble. Ce sera donc fait en 2000 avec « Riding with the King », d’autant plus convaincant que les deux artistes font preuve d’une complicité sincère.

25- See that my grave is kept clean en 2008 chez Geffen. Désormais octogénaire, B.B. King trouve encore le moyen avec son dernier album studio, « One Kinda Favor » de frapper les esprits en dégageant une émotion unique. Ce disque, sorti 60 ans ans après son premier single, presque exclusivement composé de vieux blues des années 1920 et 1930, est à la fois un testament et un legs inestimable. Et un Grammy Award de plus !
