Ça s’est passé un 15 septembre : mémorial des victimes de l’incendie de Natchez

Le Rhythm Night Club le lendemain de l’incendie. © : Firehouse Magazine.

Le 15 septembre 1940 sur le Natchez Bluff, un site qui surplombe les eaux du Mississippi à Natchez, un mémorial est inauguré en hommage aux 209 victimes (dont les noms figurent sur une plaque du monument) de l’incendie qui a détruit cinq mois plus tôt le Rhythm Club (ou Rhythm Night Club). Natchez se trouve au sud-ouest du Mississippi à la frontière de la Louisiane, environ 115 kilomètres au sud de Vicksburg. Situé sur Saint-Catherine Street, le Rhythm Club est bien connu et très prisé par les Afro-Américains. Le 23 avril 1940, pas moins de 746 personnes s’y entassent, dont plus de 700 spectateurs et les 14 musiciens des Royal Creolians, le groupe de jazz du clarinettiste, saxophoniste et chef d’orchestre Walter Barnes. À l’origine, la formation de Tiny Bradshaw était au programme ce soir-là, mais suite à un différend avec les organisateurs, elle a annulé et celle de Barnes l’a donc remplacée au pied levé.

Le mémorial des victimes de l’incendie de Natchez. © : Wikimedia Commons.

Vers 23 heures, un incendie s’est déclaré dans le club bondé, et tout était rassemblé pour favoriser sa propagation rapide tout en piégeant les personnes présentes. Ainsi, la salle était décorée avec de la mousse espagnole, mais pour éviter la prolifération des insectes, un insecticide hautement inflammable avait été pulvérisé. Vingt-et-une des vingt-quatre fenêtres étaient condamnées pour éviter que les resquilleurs assistent au concert. Il n’existait qu’une seule sortie ouvrant vers l’intérieur, qui donnait sur le hall d’entrée dont les portes ouvraient également vers l’intérieur. Enfin, les parois métalliques et une ventilation déficiente, en causant une brutale augmentation de la température, transformèrent le lieu en four mortel. Le feu s’étendra dès lors très vite et de nombreuses victimes périrent autant de brûlures que d’asphyxie, et même piétinées dans la panique générale.

La plaque et le Rhythm Night Club Museum, sur le site du club à Natchez. © : Visit Natchez.

Le bilan est effroyable avec donc 209 morts, la plupart très jeunes car âgés de moins de vingt-cinq ans. Walter Barnes et neuf de ses musiciens font aussi partie des victimes. Cet incendie, dont les causes semblent accidentelles et qui reste à ce jour le quatrième plus meurtrier dans l’histoire des États-Unis, aura un très fort retentissement. Plus de 15 000 personnes assisteront aux obsèques de Barnes à Chicago. Le Natchez Social and Civic Club of Chicago, composé d’Afro-Américains originaires de Natchez installés à Chicago, collecta des fonds pour aider les familles des victimes, qui permirent également d’ériger le 15 septembre 1940 le mémorial qui est l’objet du présent article. Deux plaques commémoratives (markers) seront ensuite ajoutées : une rue Sainte-Catherine là où se trouvait le club (avec le Rhythm Night Club Museum), l’autre non loin du mémorial dans le cadre du Mississippi Blues Trail. De nombreux artistes réaliseront des chansons sur la tragédie, dont bien sûr des bluesmen : The death of Walter Barnes par Leonard « Baby Doo » Caston (1940), The Natchez burnin’ par Howlin’ Wolf (1956) et Natchez fire par John Lee Hooker (1959), qui se trompe toutefois de date et situe l’incendie en 1937…

Walter Barnes and His Royal Creolians vers 1929. © : Andrew J. Sammut / All About Jazz.