Menaces sur le National Endowment for the Arts

© : National Endowment for the Arts.

J’ai déjà consacré des articles à des artistes qui ont reçu la National Heritage Fellowship du National Endowment for the Arts (NEA), la plus haute distinction dans le domaine des arts et des traditions populaires : Robert Lockwood Jr., R.L. Boyce, Ahmad Jamal, John Cephas, Sunnyland Slim ou encore John D. Holeman. Cette récompense est remise depuis 1982, et si je m’en tiens seulement aux musiques habituellement évoquées ici (essentiellement blues, gospel, zydeco et cajun), voici une liste des autres artistes concernés : Dewey Balfa, Bessie Jones, Brownie McGhee, Sonny Terry, John Lee Hooker, Clifton Chenier, Elizabeth Cotten, Henry Townsend, Alphonse « Bois Sec » Ardoin, Canray Fontenot, John Jackson, Willie Mae Ford Smith, Howard Armstrong, Etta Baker, B.B. King, Othar Turner, Jack Owens, Clarence Fountain & The Blind Boys, Elder Roma Wilson, Charles Brown, Pops Staples, Shirley Caesar, The Dixie Hummingbirds, Pinetop Perkins, Chris Strachwitz, Boozoo Chavis, Honeyboy Edwards, Koko Taylor, Michael Doucet, Big Joe Duskin, Albertina Walker, Henry Gray, Mavis Staples, Queen Ida, Bo Dollis, Carol Fran, The Holmes Brothers, Drink Small, Monk Boudreaux, Phil Wiggins, Barbara Lynn et Cedric Burnside.

© : National Endowment for the Arts.

Fondé en 1965 sous la présidence de Lyndon B. Johnson, le NEA est bien un organisme fédéral. Le lancement en 1982 de la National Heritage Fellowship par Bess Lomax-Howes, fille de John Lomax et sœur d’Alan, qui récompense chaque année une dizaine de récipiendaires (une vingtaine dans les premières années), s’accompagne d’une médaille et d’un prix : de 5 000 dollars en 1982, il est passé aujourd’hui à 25 000 dollars. Bien entendu, le NEA mène d’autres actions sur tout le territoire des États-Unis en faveur des artistes. Son importance dans le domaine des arts est essentielle, surtout pour des musiciens qui manquent de moyens car ils représentent des styles commercialement mineurs. Son budget est significatif, et en 2024, Joe Biden avait alloué quelque 210 millions de dollars au NEA. L’organisme a toutefois été ponctuellement remis en cause, en premier lieu par Ronald Reagan, qui suggéra en 1981 de le suspendre pendant trois ans, et plus tard (en 1989, 1990, 1995 et 1997), d’autres polémiques virent le jour, sans surprise alimentées par les membres les plus conservateurs du parti républicain.

Phil Wiggins en 2017 avec sa médaille du NEA. © : Bibiana Huang Matheis / The Country Blues.

Les choses ont empiré avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, qui soumet en 2017 puis en 2018 un budget qui prévoit purement et simplement la suppression de tout financement du NEA. À chaque fois, le Congrès permettra de conserver ce financement. Depuis sa réélection, Trump est reparti en guerre contre le NEA, qui a cédé aux décrets présidentiels de mars 2025 pour accorder ses subventions, notamment pour les programmes sur la diversité, l’équité et l’inclusion ou susceptibles de promouvoir l’idéologie de genre… Aux côtés de centaines d’artistes, d’importantes institutions ont protesté contre ces restrictions, et en mai, elles ont été informées que leurs demandes de subventions étaient annulées car elles n’étaient pas en phase avec les nouvelles priorités du gouvernement. Le 5 mai, Trump a carrément suggéré la suppression du NEA, et le 20 août dernier, il s’en est pris à la Smithsonian Institution (1) qui le soutient, et qu’il accuse sur son réseau Truth Social, entre autres inepties, de trop mettre en avant « à quel point l’esclavage était mauvais ». C’est évidemment la première fois qu’une telle censure s’exerce, et voilà où les États-Unis en sont dans le secteur des arts et de la culture…
(1). La Smithsonian Institution gère de nombreux établissements prestigieux du pays (21 musées et galeries, 21 bibliothèques, 14 centres de recherche et d’éducation) et collabore avec plus de 90 musées avec lesquels elle partage des collections.

Cedric Burnside, récipiendaire en 2021. © : National Endowment for the Arts.