Fred Brousse, 1965-2025

Devant le château de Chenonceaux (37) le 24 juillet 2024. © : La Maison du Blues.

Depuis un an, Fred Brousse se battait contre un cancer, qui a fini par l’emporter ce 6 octobre 2025 à l’âge de soixante ans. Fred a donné ses derniers concerts avec Carroline Shines du 7 au 10 août dernier à la Maison du Blues. Et comme me le relatait un peu plus tôt ce matin Jacques Garcia, après une trop brève période de rémission Fred avait finalement rechuté. En août dernier, il était déjà diminué, mais il avait tenu à honorer l’invitation de Jacques, avec cette classe qui le caractérisait en toutes circonstances. Bien sûr, quand une personne nous quitte, surtout quand nous l’apprécions, on a tendance à privilégier les superlatifs à son égard. Mais franchement, je ne vois pas ce que l’on pourrait trouver à redire sur Fred Brousse. Chanteur chaleureux, guitariste incisif, harmoniciste racinien, il se distinguait par son élégance et son allure d’éternel jeune homme. Mais Fred était aussi un professionnel qui sentait vraiment le blues et abordait sa musique sérieusement sans toutefois se prendre au sérieux, en conservant toujours décontraction et détachement. Des qualités qui lui vaudront de figurer parmi les artistes français les plus demandés par les blues(wo)men américain(e)s lors de leurs tournées européennes.

Carroline Shines à la Maison du Blues, avec Fred (à gauche) lors de son dernier concert le 10 août 2025. © : La Maison du Blues.

Fred Brousse naît le 28 août 1965 dans la Nièvre, mais il est lié à la ville de Lyon où il a longtemps vécu. À vingt ans, il se produit en première partie de B.B. King et se consacre dès lors pleinement au blues. À partir de 1995, il accompagne des artistes notables dont Maurice John Vaughn, Joe « Guitar » Hughes, Lil’ Ed & the Blues Imperials, Donald Ray Johnson, Zora Young, Terry « Harmonica » Bean, Tré & the Blueknights, Shirley Johnson, Shanna Waterstown, Corey Harris, Boney Fields, Eddie Taylor Jr., le groupe de gospel True Praise, Sylvia Howard, ou encore le Sénégalais Salam Diallo, spécialiste du mbalax. Je ne compte pas les concerts avec Fred Brousse auxquels j’ai assisté tant ils sont nombreux, mais il épatait avec son sens de l’adaptation jamais pris en défaut. Fred était en outre très disponible et toujours prêt à nous faire rencontrer les bluesmen avec lesquels il jouait.

Avec Elina Jones. © : Christian Paulet / Le Progrès.

Parallèlement, il a mené une carrière personnelle avec deux albums sous son nom, « Chicago Carnet de Voyage » (autoproduit, 1998, avec Maurice John Vaughn, Detroit Junior, B.J. Emery…) et « Fred Blues » (Gout Pile Production, 2002, dont il assure l’illustration de la jaquette car il est aussi plasticien), auxquels il faut ajouter un EP 5-titres avec son groupe Brown Sugar, « 100 % Pur Blues » (autoproduit, 2003, avec la chanteuse Sandra Mandengué). Il apparaît enfin à l’harmonica sur l’album du Jack Bon Slim Combo « What a Good Life! » (autoproduit, 2014). Ces dernières années, en plus de ses collaborations avec des artistes américains en tournée (mais aussi des Français !), Jeff Brousse s’est régulièrement produit avec Elina Jones. Cette chanteuse d’origine malgache installée à Lyon et titulaire d’un diplôme d’ingénieure chimiste a toutefois choisi, pour notre plus grand bonheur, de se dédier à la musique, et plus particulièrement au blues même si son registre est étendu (soul, funk, jazz…).

© : Le Progrès.

Fred Brousse était devenu une figure incontournable du blues en France, une musique qu’il savait incarner, et son propos était pertinent. Ainsi, dans le cadre d’une interview pour les Productions Courvole le 19 juin 2024, quand on lui demandait ce qui le touchait et le faisait vibrer dans le blues, il répondait : « La sincérité, le rythme, la voix, mais aussi une façon d’être très spontanée (…), il faut qu’il y ait un peu de surprise. J’ai accompagné de grands bluesmen, de temps en temps ils changeaient volontairement un truc dans le morceau, pour que les musiciens aient vraiment les oreilles attentives, pour qu’ils soient complètement avec eux, qu’ils ne jouent pas leur partie comme avec une partition (…). Je compare un peu ça au flamenco, ils ont ce qu’ils appellent le duende (1), avec une espèce de magie qu’ils arrivent à trouver quand ça monte. Il y a plein de musiques avec ce phénomène de transe, où il faut arriver à se trouver. Et parfois, ça se produit aussi avec soi-même. Si je joue en solo, je suis content seulement quand je suis en accord avec moi-même, quand il se passe plein de choses, quand je peux prendre des libertés. (…) Et quand on ressent une certaine force dans le jeu d’un musicien, c’est facile à suivre. Certes, à force de faire des choses ensemble, on sait ce qu’on va faire, c’est prévisible, mais en même temps, on arrive quand même à se surprendre, on ne fait jamais [deux fois] le même live. »
Adieu jeune homme, comme ce blues que tu aimais tant, tu n’auras jamais vieilli.

Fred (à gauche) à la Maison du Blues avec le groupe de Carroline Shines (deuxième en partant de la droite), et Anne-Marie et Jacques Garcia (accroupis), le 10 août 2025. © : La Maison du Blues.

Je vous propose pour conclure douze vidéos qui montrent Fred Brousse en différentes occasions.
I wish you would en 2008 avec Luc Blackstone et Cédric Sanjuan au Jack Blues Café à Cagnes-sur-Mer (06).
Got my mojo working en 2009 avec Tré & Lady Cat à la ferme Madelone à Gouvy (Belgique).
(Everything I do) got to be funky en 2010 avec Maurice John Vaughn au « Mi » Lieu du Blues (69).
Little red rooster en 2010 avec Donald Ray Johnson et Maurice John Vaughn à Lyon (69).
I’m a man en 2011 avec Terry « Harmonica » Bean au « Mi » Lieu du Blues (69).
Nobody’s fault but mine en 2011 au « Mi » Lieu du Blues (69).
I’m ready en 2012 avec Fred Voléon et Mountain Men au Blues Café à L’Isle-d’Abeau (38).
I just want to make love to you en 2018 à la Maison du Blues (41).
Soul of a man en 2021 avec Elina Jones, lors du festival Grésiblues (38).
With my maker I am one en 2023.
Live Session (six chansons) en 2024 avec Tomek Dziano.
Saint Louis blues en 2025 avec Carroline Shines, Debbie Bond et Rick Asherson à la Maison du Blues (41). Cette vidéo a été tournée le 10 août 2025, lors du dernier concert auquel participa Fred Brousse.

(1). Terme intraduisible qui caractérise l’expression extrême de l’émotion des interprètes, qui peut confiner à la transe tout en exacerbant la communion avec le public.

Je tiens à remercier chaleureusement Jacques Garcia de la Maison du Blues à Châtres-sur-Cher (théâtre des dernières apparitions sur scène de Fred Brousse), pour son témoignage et plusieurs photos qui illustrent cet article.

Tomek Dziano et Fred. © : International Jazz Day.

Au Hall Blues Club à Pélussin (42) en 2012. © : Jean-Philippe Porcherot.

Fred (deuxième en partant de la droite) et le groupe d’Elina Jones devant le château de Chenonceaux (37) le 24 juillet 2024. © : La Maison du Blues.