
Je vous propose un nouveau portfolio, cette fois consacré à la ville de Détroit dans le Michigan. À partir des années 1920, qui correspondent à un développement très marqué de l’industrie automobile, et jusqu’à la fin des années 1950, le quartier afro-américain dit « Black Bottom » sera également un important centre d’activité pour les musiques afro-américaines comme le jazz, le blues et même le gospel. Si l’expression black bottom peut se traduire par « cul noir » en argot, le site, à l’emplacement de l’actuel centre-ville au bord de la rivière Détroit, était déjà identifié par les premiers colons comme une bottom land, une plaine alluviale fertile… Dans la partie est de la ville, Black Bottom a vu beaucoup d’Afro-Américains affluer pour travailler dans le secteur automobile, qui ont rapidement investi un autre quartier, Paradise Valley. Black Bottom et Paradise Valley se touchent au point que d’aucuns considèrent qu’ils forment un seul et même quartier. On admet toutefois que Gratiot Street les séparent, et, d’une manière générale, que Paradise Valley, où de nombreux clubs de jazz prestigieux virent le jour, était plus huppé, ou plutôt moins pauvre, que Black Bottom, où le blues était plus représenté, notamment autour de Hastings Street, une rue aujourd’hui historique.

Les amateurs européens de blues ont découvert Hastings Street grâce à deux Français, Jacques Demêtre et Marcel Chauvard, auteur du précieux Voyage au pays du blues, publié en 1994 aux éditions CLARB-Soul Bag et réédité en 2022 par Le Mot et le Reste. Les photographies de Demêtre, qui montrent entre autres John Lee Hooker et le producteur Joe Von Battle (pour lequel Aretha Franklin inaugurera sa discographie), sont des témoignages uniques de cette période. Malheureusement, au tournant des années 1950 et 1960, Black Bottom et Paradise Valley seront quasiment rasés dans le cadre d’un réaménagement urbain et pour permettre le passage d’une autoroute en pleine ville… À la ségrégation s’ajoutent un secteur automobile désormais en crise et un chômage en forte augmentation. Les tensions se multiplient et du 23 au 28 juillet 1967, des émeutes raciales éclatent, d’abord sur 12th Street dans Black Bottom avant de s’étendre à d’autres quartiers. Avec un bilan de 43 morts (33 Noirs et 10 Blancs), ce sont les émeutes les plus meurtrières des États-Unis après les Draft Riots de 1863 durant la guerre de Sécession… À une exception près, les vingt-cinq images de ce portfolio sont toutefois axées sur la musique et antérieures à ces tragiques événements.






















