
Dans les années 1950, le chanteur-pianiste fut un acteur notable de la scène blues de New York avec Sonny Terry, Brownie McGhee, Wild Jimmy Spruill et Larry Dale, mais il n’a ensuite pour ainsi dire plus rien enregistré après 1960, et il est bien oublié de nos jours. Il naît Robert M. Gaddy le 4 février 1924 à Vivian, une minuscule localité au sud de la Virginie-Occidentale, dans une région minière où on exploite le charbon. Son père, qui est d’ailleurs mineur, chante dans un quartette vocal, et son fils suit naturellement ses pas et débute en chantant du gospel à l’église. Dans les années 1930, il découvre le chanteur-guitariste Blind Boy Fuller, qui est sans doute alors le représentant le plus populaire du blues de la Côte Est. Mais Gaddy choisit le piano. En 1943, ses obligations militaires dans la Navy le conduisent en Californie. Durant ses trois ans de service, il trouve le temps de jouer souvent dans les clubs d’Oakland et de San Francisco. Il perfectionne son jeu de piano et devient aussi un adepte du boogie-woogie.

En 1946, il se rend à New York où il n’avait pas nécessairement prévu de rester, mais il ne quittera plus la Big Apple ! La scène blues de la ville étant alors en plein essor, il n’a aucun mal à trouver des engagements, notamment en accompagnant Brownie McGhee et Sonny Terry. Il fréquente aussi Larry Dale et Champion Jack Dupree, alors résident new-yorkais. Et fort logiquement, il apparaît pour la première fois sur disque en 1952, sur un single pour le label Jackson de Sonny « Hootin’ » Terry and his Night Owls (avec aussi McGhee à la guitare, Bob Harris à la basse et George Wood à la batterie), Women is killing me/Harmonica train. Suit un autre single chez Jackson, mais cette fois sous le nom de Bob Gaddy and his Alley Cats, avec I (believe you got a sidekick), sur lequel Gaddy chante en plus de jouer du piano, et l’instrumental Bicycle boogie. Sonny Terry est toujours présent à l’harmonica, mais Larry Dale remplace Brownie McGhee à la guitare.

Toujours en 1952, cette fois pour Jax, Gaddy figure au piano sur des faces de Terry et McGhee, puis, l’année suivante, sur d’autres sous son nom et aux côtés de Larry Dale. En 1954 et 1955, quelques autres singles sortent chez Dot et Harlem. Toutes ces chansons sont importantes car elles sont à l’origine du blues moderne à New York, bien moins ancré dans le Delta Blues qu’à Chicago, avec des emprunts au R&B et au rock ‘n’ roll. Et le jeu de piano dynamique et riche de Gaddy, tout comme sa voix puissante et expressive, caractérisent très bien ce style. En 1956, il signe chez Old Town et entame une période avec plusieurs succès commerciaux. Il commence avec Operator (1956), écrit par Champion Jack Dupree, puis enchaîne avec I love my baby (1956), Paper, lady (1957), Rip and run (1958)… Terry et McGhee ne sont plus là, mais Gaddy reste très bien entouré, avec Jimmy Spruill et Joe Ruffin à la guitare, Jimmy Wright au saxophone, de temps en temps Dupree au piano, et bien sûr Larry Dale, fidèle compagnon qui restera auprès de lui jusqu’au bout.

Mais Bob Gaddy réalise ses dernières faces en 1960, puis accompagne Larry Dale l’année suivante sur deux singles dont un seul est édité. Nul ne sait comment un bluesman de sa qualité a pu manquer le « train » du Blues Revival et n’a pas été réenregistré. Mais avec Larry Dale (génial guitariste du non moins génial album « Blues from the Gutter » de Champion Jack Dupree en 1958), qui n’enregistrera plus beaucoup non plus, il continuera de se produire dans les clubs de New York. Toutefois, en 1988, soit vingt-huit ans après ses derniers morceaux, Gaddy chante et joue du piano sur une chanson (What am I living for) de la compilation du label Osa, « Killin’ Floor: A Lot of Lovin’ ». Et cinq ans plus tard, en novembre 1993, il partage avec Larry Dale &The Houserockers un album en public, « Live – Kultur im Gugg Brunau », pour l’obscur label autrichien Gugg Records. Je ne trouve aucun autre disque de ce label et il ne s’agit sans doute pas d’une réalisation officielle… On le verra toutefois en 1993 au festival Blues Estafette à Utrecht, aux Pays-Bas. Bob Gaddy, qui dans ces dernières années officiait également comme chef cuisinier, nous a quittés le 24 juillet 1997 à soixante-treize ans, emporté par un cancer du poumon.

Voici maintenant dix chansons en écoute.
– Women is killing me en 1952 par Sonny « Hootin’ » Terry and his Night Owls avec Gaddy au piano.
– I (believe you got a sidekick) en 1952 par Bob Gaddy.
– A letter to Lightnin’ Hopkins en 1952 par Brownie McGhee and his Jook Block Busters avec Gaddy au piano.
– No help wanted en 1953 par Bob Gaddy.
– Slow down baby en 1953 par Bob Gaddy.
– Operator en 1956 par Bob Gaddy.
– I love my baby en 1956 par Bob Gaddy.
– Paper, lady en 1957 par Bob Gaddy.
– Rip and run en 1958 par Bob Gaddy.
– I’m gonna be at the station en 1960 par Bob Gaddy.
