Ça s’est passé un 21 juillet : parution du premier quotidien afro-américain aux États-Unis

Une du premier numéro de la Tribune de la Nlle-Orléans paru le 21 juillet 1864. © : Astheure.

Samedi 27 septembre 1862, en pleine guerre de Sécession et trois ans avant l’abolition de l’esclavage, le numéro inaugural de L’Union paraît à La Nouvelle-Orléans. Il s’agit du premier journal tenu par des Afro-Américains dans le sud des États-Unis, où l’esclavage est pourtant le plus présent. On doit sa création à un collectif de la communauté créole afro-américaine emmené par Louis Charles Roudanez (1823-1890), de mère afro-américaine née esclave à Saint-Domingue avant d’être affranchie en Louisiane et de père blanc. Roudanez étudiera en France puis aux États-Unis, obtenant des diplômes d’astrophysique et de médecine. En 1862, il profite de la prise de La Nouvelle-Orléans par les nordistes pour lancer L’Union, publiée d’abord chaque vendredi et dimanche, en français jusqu’en juillet 1863, puis également en anglais jusqu’en juillet 1864, sous le titre Union. Le dernier numéro (159) paraît le 19 juillet 1864.

Louis Charles Roudanez vers 1889. © : 64 Parishes.

À peine deux jours plus tard, le jeudi 21 juillet 1864 marque donc la fondation, toujours à l’initiative de Roudanez, de La Tribune de La Nouvelle-Orléans. Ce n’est pas tout à fait un quotidien au départ car il sort d’abord le mardi, le jeudi et le samedi (il le deviendra le 4 octobre), mais c’est bien le premier bilingue des États-Unis, avec deux pages en français et deux en anglais. Si le titre anglais ne varie pas, The New Orleans Tribune, ce n’est pas le cas du français : Tribune de la Nlle-Orléans les 21 et 22 juillet 1864, La Tribune de la N.-Orléans du 23 juillet 1864 au 8 avril 1867, enfin La Tribune de la Nouvelle-Orléans jusqu’en 1870, quand il cesse de paraître. Particulièrement radical pour l’époque, ce journal fustigeait bien sûr l’esclavage et militait pour le droit de vote des Afro-Américains.

Une du premier numéro de L’Union paru le 27 septembre 1862, avec un papier de Victor Hugo (colonne de gauche). © : Library of Congress.

Progressivement, il ouvre ses colonnes à toutes celles et ceux qui œuvrent en faveur des droits civiques : il évoque des thèmes comme l’oppression, l’injustice, les inégalités, la lutte pour que les Afro-Américains aient une meilleure place sur l’échiquier politique, mais donne aussi la parole à des intellectuels, des auteurs et des poètes. À partir de 1866, La Tribune de la Nouvelle-Orléans s’abonne au réseau de l’Associated Press, ce qui favorise une diffusion plus rapide de ses articles tout en élargissant son audience bien au-delà de la communauté créole de La Nouvelle-Orléans. Au moins quinze journaux du nord reprennent ses articles et il compte des correspondants jusqu’en Europe, notamment en Italie et en France. Après L’Union, des écrits de Victor Hugo, connu pour son engagement contre l’esclavage, apparaissent ainsi dans La Tribune de La Nouvelle-Orléans. En 1868, après des désaccords politiques suite à l’élection au poste de gouverneur d’un républicain blanc que Roudanez refuse de soutenir, le journal est radié de la liste des supports officiels du gouvernement. Financièrement exsangue, il ne sort plus que sporadiquement en 1869 et disparaît l’année suivante.

Exchange Alley à La Nouvelle-Orléans, où s’installa La Tribune de La Nouvelle-Orléans en 1866. © : Pelican Publishing Company / Roudanez.

Il n’était pas question de musique dans La Tribune de La Nouvelle-Orléans, mais comme un article sur ce site ne se conçoit pas sans blues, voici pour le plaisir une sélection de dix chansons emblématiques de la Louisiane…
St. James Infirmary blues en 1928 par Louis Armstrong.
La valse ah Abe en 1929 par Amédé Ardoin.
Bon ton roula en 1949 par Clarence Garlow.
The things that I used to do en 1953 par Guitar Slim.
Jock-a-mo en 1953 par Sugar Boy Crawford.
Sugar coated love en 1953 par Lazy Lester.
Go to the Mardi Gras en 1959 par Professor Longhair.
Zydeco et pas sale en 1965 par Clifton Chenier.
Tell it like it is en 1966 par Aaron Neville.
Right place, wrong time en 1972 par Dr. John.

Plaque commémorative du siège originel de L’Union puis de La Tribune de La Nouvelle-Orléans, Conti Street, La Nouvelle-Orléans. © : James Hulse / The Historical Marker Database.