
Le 22 septembre 1862, dix-sept mois après le début de la guerre de Sécession, le président Abraham Lincoln annonce que l’Émancipation deviendra effective à compter du 1er janvier 1863, ce qui entend la liberté pour tous les esclaves, y compris dans les États sudistes qui s’y opposent farouchement. Progressivement et malgré la guerre, à différentes dates (1er janvier, 6 avril, 4 juillet, 1er août, 22 septembre, 1er novembre…), des festivités sont organisées par les Afro-Américains. On les appelle des jubilés, en référence à la Bible dans laquelle le jubilé prévoit notamment la libération des esclaves et la restitution des terres à leurs propriétaires originels. Le 31 janvier 1865, la Chambre des représentants du Congrès vote le XIIIe amendement de la Constitution américaine qui abolit l’esclavage. Même s’il sera seulement promulgué le 18 décembre 1865, l’esclavage est dès lors illégal et nombre d’États l’abolissent, évidemment surtout dans le nord.

Toutefois, le 19 juin 1865, le général nordiste Gordon Granger ordonne dans la ville de Galveston la libération des esclaves du Texas, État du sud mais aussi le plus vaste du pays (le deuxième aujourd’hui depuis l’entrée de l’Alaska dans l’Union en 1959). On compte alors quelque 250 000 esclaves au Texas, soit plus du tiers de la population totale de 700 000 habitants ! Le 19 juin 1866, des esclaves affranchis mettent sur pied au Texas un premier Jour du Jubilé (Jubilee Day), avec des meetings politiques pour informer sur le droit de vote des Afro-Américains. Le même jour de l’année suivante, la célébration prend de l’ampleur sous l’égide du Freedmen’s Bureau (Bureau des affranchis, en version longue Bureau des réfugiés, des affranchis et des terres abandonnées), et apparaît au calendrier des événements publics à partir de 1872. L’instauration des lois Jim Crow, qui installent à partir de 1877 une ségrégation très dure qui prive les Noirs de leurs droits, freine toutefois ces commémorations.

Le 25 juin 1891, le Brenham Weekly Banner publie un entrefilet qui s’arrête sur une « Juneteenth sillibration ». Ce journal texan tenu par des Blancs emploie volontairement cette formule offensante, celebration devenant sillibration, jeu de mots douteux à partir de silly qui signifie stupide… Il s’agit toutefois de la première mention écrite connue du terme Juneteenth, formé à partir des mots June (juin) et nineteenth (dix-neuvième). Comme je l’écris dans mon article du 19 juin 2024, Juneteenth connut des périodes faibles, du fait de la ségrégation bien sûr, mais aussi durant la Grande Dépression et lors de la lutte pour les droits civiques des années 1950 et 1960. Mais Juneteenth ne s’arrêtera jamais, ce qui en fait la plus ancienne fête afro-américaine sans interruption. C’est un jour férié au Texas depuis 1980, et au niveau national depuis 2021. Symbole de l’émancipation des esclaves afro-américains, il est aujourd’hui officiellement reconnu comme le Juneteenth National Independence Day, autrement dit la « deuxième » fête nationale. Pour conclure cet article, je vous propose 19 chansons en lien avec ce thème.

– Jim Crow blues en 1927 par Cow Cow Davenport.
– Hangman’s blues en 1928 par Blind Lemon Jefferson.
– Broken levee blues en 1928 par Lonnie Johnson.
– Down the dirt road blues en 1929 par Charlie Patton.
– Hell hound on my trail en 1937 par Robert Johnson.
– The bourgeois blues en 1938 (et non 1936 comme mentionné par erreur sur YouTube) par Lead Belly.
– Strange fruit en 1939 par Billie Holiday.
– Fixin’ to die blues en 1940 par Bukka White.
– Jim Crow train en 1941 par Josh White.
– Black, brown and white en 1948 par Brownie McGhee.
– Nobody knows the trouble I’ve seen en 1963 par Mahalia Jackson.
– Remove this rope en 1965 par J.B. Lenoir.
– Black and evil en 1969 par Lightnin’ Hopkins.
– Why I sing the blues en 1974 par B.B. King.- Going home en 1984 par Son Seals.
– Freedom after a while (When Jesus comes) en 1987 par The Sensational Nightingales.
– Saint Martha blues en 2001 par Otis Taylor.
– Oh death en 2017 par Ranky Tanky.
– Clotilda’s on fire en 2020 par Shemekia Copeland.
