
Jusqu’au début de la prochaine édition du festival Terre de Blues, qui se déroulera du 6 au 9 juin 2025 sur l’île de Marie-Galante, je publie des portraits des artistes et groupes au programme. Je vous propose d’évoquer aujourd’hui le parcours de Saël, artiste de reggae et de dancehall qui représentera la Martinique le 7 juin sur la grande scène de l’habitation Murat. Il naît Johann Garnier le 28 mars 1978 à Schœlcher, une commune martiniquaise qui jouxte Fort-de-France à l’ouest. Il débute dans le groupe de hip-hop Panthé Noué avec il se produit en Martinique, puis se fait appeler Saël tout en s’intéressant de plus près au reggae et au ragga. Son premier single, Jerusalem, sort en 1998, suivi de plusieurs autres, dont Ils s’éternisent, Pas comme les autres et Marie-José qui lui permettent de se faire remarquer, particulièrement en Guadeloupe.

En 2001, il vient en France pour enregistrer son premier album chez Don’s Music, « Saël & Friends ». Le succès est immédiat, notamment grâce aux chansons Le prod, Je t’emmène, Les galériens, Vivre est une chanson et surtout Tchimbé raid pa moli, et les récompenses pleuvent : trois prix de la Sacem (auteur, succès et chanson de l’année) et meilleur album Caraïbe. Saël signe ensuite deux autres albums chez Don’s Music, « Ma Vision » (2002) et « Témoignage » (2005), puis un troisième l’an dernier, « Puzzle », sur le label Maestria qu’il avait créé en 2013 pour aider à la promotion des jeunes artistes de la Caraïbe. S’il n’a pas enregistré d’albums entre 2009 et 2024, il est resté très actif en sortant plusieurs singles durant cette période qui l’ont installé parmi les artistes en vue du reggae et du dancehall. Il doit sa réussite à sa belle voix chaude et profonde, ainsi qu’à ses textes empreints de sagesse et souvent inspirés par sa foi. Saël signifie d’ailleurs « Demandé par Dieu » ou « Qui est à Dieu ».

Les influences de Saël, qui avoue écouter de nombreux styles de musique, sont dès lors variées. Et s’il cite des figures du reggae comme Bob Marley et Garnet Silk (1), il évoque aussi des chanteurs français (Cabrel, Balavoine, Renaud), le formidable chanteur-flûtiste martiniquais Eugène Mona ou encore Aimé Césaire. Mais Saël reste bien sûr le mieux placé pour décrire son approche, comme il le faisait dans une interview tirée d’un article de France-Antilles publié le 8 mars 2024 : « Ma musique, c’est l’amour universel. Je tiens à ce que les gens reviennent vers une humilité qui va nous permettre d’avancer et d’évoluer, mais aussi d’être fier de soi, de ne pas seulement se fier au regard des autres, à l’apparence. L’essentiel, c’est ce qui se passe en nous, il y aussi beaucoup de spiritualité dans ma musique. J’amène les gens vers une spiritualité, une méditation, vers l’élévation spirituelle. J’ai choisi le reggae car c’est pour moi la musique la plus spirituelle. Les plus grands ont fait évoluer cette musique comme Bob Marley, Peter Tosh, Steel Pulse, on trouve tellement de groupes qui sont ancrés dans cette spiritualité, mais aussi dans l’Afrique. Je me souviens que mes premières influences étaient autour de l’Afrique attitude, le retour vers l’Afrique. » Écoutons-le sur Tchimbé raid pa moli (2001), Péyi ya (2005) et La vérité (2024).

(1). Garnet Silk semblait promis à une brillante carrière dans le reggae mais il est mort brutalement à seulement vingt-huit ans. Suite au cambriolage de sa maison, il avait emprunté une arme mais ne savait pas s’en servir. Le 9 décembre 1994, il était chez lui à Mandeville en Jamaïque avec sa mère, ses deux frères et des amis, dont l’un d’entre eux proposa de lui montrer comment fonctionnait l’arme. Mais un coup partit accidentellement et la balle atteignit une bouteille de gaz, ce qui provoqua un incendie. Tous parvinrent à sortir sauf la mère de Garnet. Ce dernier s’en aperçut et se précipita dans la maison, où il mourut avec sa mère…