Fifty Years of Ferris, documentaire sur Bill Ferris

© : Kate Medley / Salvation South.

Pour commémorer le cinquantenaire d’une campagne prolifique de collecte de folklore menée en 1975 par William « Bill » Ferris, durant laquelle il tourna quatre films importants dont le fameux Give My Poor Heart Ease, Chuck Reece de Salvation South (1) a décidé de lui consacrer une série documentaire intitulée Fifty Years of Ferris. Il est inutile de présenter Ferris, figure centrale du blues dont j’ai très souvent évoqué les travaux sur ce site. Je me contenterai donc de rappeler quelques jalons du parcours de cet éminent personnage qui a joué un rôle fondamental dans la préservation des musiques qui nous passionnent.

© : Folkstreams.

– Né le 5 février 1942 à Vicksburg, Mississippi, Bill Ferris est folkloriste, musicologue, anthropologue, enseignant, conférencier, écrivain, animateur radio, réalisateur et photographe.
– En juin 1964, il participe au Freedom Summer dans le Mississippi, dont le principal objectif est de permettre aux Afro-Américains de voter, mais qui verra trois étudiants assassinés par le Ku Klux Klan. L’événement le convainc de s’impliquer dans la lutte en faveur des droits civiques, ce qui se ressentira ensuite dans ses entretiens avec des Afro-Américains.
– En 1970, il publie chez Da Capo son premier livre, Blues from the Delta, ouvrage référent qui entrera en 1998 au Blues Hall of Fame en tant que classique de la littérature dédiée au blues.
– Cofondateur en 1972 avec Judy Peiser du Center for Southern Folklore à Memphis, dont il reste le directeur jusqu’en 1984.

© : Dust-to-Digital.

– Fondateur en 1979 du Center for the Study of Southern Culture à l’université du Mississippi à Oxford, qu’il dirige également. Les archives rassemblées par Ferris et conservées à l’université (sous le nom de Blues Archive), sont très impressionnantes avec 300 000 photos, 100 000 enregistrements, 34 000 livres et périodiques… J’y reviens de façon plus détaillée dans mon article du 19 septembre 2024, « Les 40 ans de Blues Archive, université du Mississippi ».
– Parallèlement, dans les années 1960 et 1970, il mène des campagnes de collecte de folklore dans le Deep South, où il enregistre, interviewe et filme notamment de nombreux artistes de blues et de gospel.
– De 1979 à 1997, il est professeur à l’université du Mississippi, puis à partir de 2002 à celle de Caroline du Nord à Chapel Hill.
– En 1989, il coédite avec Charles Reagan Wilson l’Encyclopedia of Southern culture, qui comptera au final 24 volumes.
– En 1997, le président Bill Clinton le nomme à la tête du National Endowment for the Humanities, ce que l’on pourrait traduire par Fondation nationale des sciences humaines, qui remet les plus hautes distinctions dans le domaine des arts et des traditions populaires. Ferris occupe le poste jusqu’en 2001.

B.B. King en 1974 avant un concert à l’université Yale, New Haven, Connecticut. © : William R. Ferris Collection.

– En 2009, parution du livre de Ferris Give My Poor Heart Ease: Voices of the Mississippi Blues (University of North Carolina Press), ensuite édité en français en 2013 chez Papa Guédé sous le titre Les voix du Mississippi, avec un CD de 22 titres et 6 courts-métrages.
– En 2018, sortie de « Voices of Mississippi – Artists and Musicians Documented by William Ferris » chez Dust-to-Digital, une anthologie qui comprend comprend trois CD thématiques (blues, gospel et entretiens), sept films et un livre de 120 pages. Le 10 février 2019, l’ensemble reçoit deux Grammy Awards, le premier pour Ferris dans la catégorie du meilleur album historique, l’autre pour David Evans dans celle des meilleures notes d’un album. Je me suis arrêté sur cette rétrospective exceptionnelle dans mes émissions Les Temps du Blues des 9 décembre 2018 et 1er mars 2019, et dans un article sur ce site le 25 mars 2019.
– En 2021, Ferris publie I AM A MAN: Photographs of the Civil Rights Movement, 1960-1970 (University Press of Mississipi), dans lequel il a réuni une sélection de photographies prises entre 1960 et 1970 lors d’événements pendant le mouvement des droits civiques. À partir de janvier 2022, ces images sont utilisées pour l’exposition itinérante I Am A Man: Civil Rights Photographs in the American South, 1960–1970, dont Ferris est le commissaire, et qui poursuivra son parcours à travers les États-Unis jusqu’en janvier 2027 (liste des dates et lieux à cette adresse).
– Le 9 mai 2024, Bill Ferris entre au Blues Hall of Fame.

Bill Ferris devant sa plaque didactique (marker) dévoilée le 28 mai 2019 à Vicksburg, sa ville natale. © : Mississippi Blues Trail.

Revenons maintenant à la série documentaire « Fifty Years of Ferris », que l’on doit donc à Chuck Reece, cofondateur de Salvation South. Elle marque les cinquante ans des enregistrements de terrain menés par Ferris en 1975, et se base plus particulièrement sur quatre films réalisés cette année-là : Give My Poor Heart Ease, une étude de la culture blues avec une interview historique de B.B. King, Two Black Churches, plus axé sur la religion et le gospel, Made in Mississippi, qui montre des artisans noirs du Mississippi, et I Ain’t Lying, qui met en avant des conteurs (storytellers). Ces documents sont précieux, car Bill Ferris se distinguait de ses devanciers en filmant les personnes qu’il rencontrait chez eux, dans leur quotidien, et ses réalisations pleines de réalisme dégagent une profonde émotion. La série comprendra quatre épisodes, avec la mise à disposition des quatre films cités plus haut, auxquels s’ajoutent des interviews filmées de Ferris (menées par Reece) dans lesquelles il revient sur son parcours et bien entendu sur chacun de ses documentaires initiaux. En outre, l’intégralité des interviews sera retranscrite sur le site de Salvation South, comme c’est le cas pour le premier épisode mis en ligne ce mois de mai 2025 : l’ensemble, soit le film Give My Poor Heart Ease, l’interview Fifty Years of Ferris – Part 1 of 4 (39 minutes) et sa retranscription écrite sont disponibles à cette adresse. Les trois épisodes suivants seront publiés de la même manière sur le site de Salvation South en juin, juillet et août prochains. Il faut en tout cas se féliciter car les travaux de William Ferris sont essentiels et méritent d’être mis en lumière.
(1). Salvation South est un magazine en ligne basé à Clarkston, Géorgie. Il publie des articles et des films (podcasts) axés sur la culture et les arts du sud des États-Unis.

Chuck Reece. © : Salvation South.