
Jusqu’au début de la prochaine édition du festival Terre de Blues, qui se déroulera du 6 au 9 juin 2025 sur l’île de Marie-Galante, je publie des portraits des artistes et groupes au programme. Aujourd’hui, je m’arrête sur Big In Jazz, ou plus exactement Big In Jazz Collective si on développe le nom complet de la formation. Justement, vous aurez noté que le nom évoque la biguine (Big In !) et le jazz, mais nous verrons que le registre ne se cantonne pas dans ces deux seuls genres. Et l’histoire du collectif est d’abord rattachée à celle du Big In Jazz Festival en Martinique, fondé en 2002 par Christian Boutant, délégué régional depuis 1985 de la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique). Sous le nom de Biguine Jazz Festival, la première édition se tient à Sainte-Marie en Martinique sur le site de Fonds Saint-Jacques, où une habitation est créée dès 1659 (même si elle prendra son nom l’année suivante). Ce haut lieu historique est en outre indirectement lié à Marie-Galante, car de 1694 à 1705, l’habitation sera dirigée par Jean-Baptiste Labat, ce missionnaire dominicain auquel on prête l’élaboration de la guildive, une eau-de-vie tirée de la canne à sucre à l’origine du rhum. S’il résidait en Martinique, Labat se rendait aussi en Guadeloupe, et aujourd’hui, la distillerie Poisson ou du Père Labat, à Grand-Bourg à Marie-Galante, est mondialement connue.

Au fil des années, le Big In Jazz Festival ne cesse de prendre de l’importance, mais comme bien d’autres événements culturels, il est annulé en 2020 à cause de la pandémie de Covid-19. Les directeurs artistiques de l’époque, Thomas et Manuel Boutant (fils et neveu du fondateur, respectivement), trouvent alors une alternative. En août 2020 dans une maison au François, toujours en Martinique, profitant d’une pause dans le confinement, ils rassemblent huit musiciens d’origines variées (Martinique, Guadeloupe et Haïti) : Ralph Lavital et Yann Négrit (g), Maher Beauroy (p), Ludovic Louis (tp), Jowee Omicil (sax), Stéphane Castry (b), Tilo Bertholo et Sonny Troupé (dm, perc), mais ils savent aussi chanter… Ils interprètent des pièces des musiques traditionnelles qui nous ramènent aux origines de la biguine et du jazz antillais (années 1920 et 1930 !), qu’ils rajeunissent à coups de sonorités modernes, d’arrangements audacieux et d’emprunts avisés au rock, au funk, au reggae, voire au hip-hop. Le résultat est détonant et très réussi, à la fois résolument moderne et respectueux de l’histoire des musiques caribéennes. Cela n’échappe pas à la réalisatrice Marina Jallier qui consacre au même moment un documentaire de 52 minutes à la formation, Big In Jazz Collective, visible en intégralité à cette adresse.

Le titre du film sera aussi le nom de l’ensemble qui voit ainsi le jour sous le nom de Big In Jazz Collective. En 2021, sous la bannière du Communiqué martiniquais de la musique, le groupe sort l’album « Global », salué par une critique unanime. Le disque favorise la reconnaissance du collectif qui est programmé sur des scènes prestigieuses l’année suivante, dans les Antilles mais aussi dans l’Hexagone. Il délivre ainsi des performances mémorables lors du festival Jazz à Vienne et au New Morning à Paris. À propos de cette dernière prestation (le 6 février 2022), Frédéric Adrian écrivait dans son compte-rendu sur le site de Soul Bag : « C’est le répertoire de l’album “Global” qui constitue le cœur du programme de la soirée, ouvert par le Mi belle journée du pionnier guadeloupéen Al Lirvat, popularisé à la fin des années 1960 par Alain Jean-Marie. De l’historique Serpent maigre d’Alexandre Stellio, créé en 1929 sur disque par l’Orchestre Antillais dont il était le clarinettiste, au Tomaline de Marijosé Alie, en passant par La chandelle d’Eugène Mona, chantée ici par Maher Beauroy, il traverse les époques et les origines précises pour être revisité sous un prisme contemporain porté par la virtuosité des musiciens. (…) Pas d’exotisme facile ou de doudouisme sous leurs mains : c’est à une certaine fusion des années 1980, celle portée en particulier par Ultramarine, que renvoie le son global du groupe, qui ne s’embarrasse d’aucune orthodoxie et ne s’interdit ni le funk – impossible que Stéphane Catry n’ait pas écouté Verdine White ! –, ni le rock, ni les effets électroniques. (…) Il faut un certain temps pour redescendre après avoir assisté et participé à une telle débauche d’énergie, en espérant que ce concert extraordinaire ne soit que le premier d’une longue série. »

Voilà de quoi nous convaincre d’aller voir Big In Jazz Collective, qui se produira le 6 juin prochain sur la scène principale de l’habitation Murât, avec selon les organisateurs de Terre de Blues « une formation inédite, enrichie de nouveaux talents venus de la Caraïbe et du Brésil ». Pour conclure, j’ajoute comme d’habitude des chansons en écoute.
– Global en 2021.
– Serpent maigre en 2022.
– Las en 2022 (avec Grégory Privat).
– La chandelle en 2022.
– Come together en 2024.
