Eddie King, né un 21 avril

© : Eddie King Remembered.

Comme d’autres avant lui, ce chanteur-guitariste a choisi de se faire appeler King. Il n’accédera pas à la même notoriété que d’autres porteurs du même nom, mais il fut un bluesman très talentueux (ce qui n’échappera pas à Koko Taylor, dont il sera le guitariste durant vingt ans !) dont les disques hélas peu nombreux sont remarquables. Eddie King naît Edward Lewis Davis Milton le 21 avril 1938 à Lineville, une ville de l’Alabama 130 kilomètres à l’est de Birmingham. Il est le deuxième d’une fratrie de treize enfants et ses parents sont chanteurs et musiciens : sa mère, Lillie Mae Milton née Sears, joue du piano et de la guitare, et son père, qui est également pasteur, de l’harmonica et de la guitare, dans une veine Country Blues et avec une prédilection pour John Lee Hooker (1). Eddie commence à chanter du gospel, et dès l’âge de cinq ans, on l’entend sur une radio locale deux fois par semaine et il fait partie du groupe familial, The Pilgrim Travellers Junior, qui tourne dans le Deep South à partir de 1943 et jusqu’à la fin des années 1940.

© : Jazzman Records.

Mais une double tragédie (qui sera malheureusement suivie d’autres) frappe sa famille en 1950, quand sa mère puis son père décèdent brutalement. Eddie s’initie à l’harmonica et à la guitare, joue avec sa sœur Geneva et son frère aîné Cecil Calvin, et une partie de la fratrie part dans le Kentucky chez une tante et un oncle. Pendant que certains de ses frères et sœurs vont vivre à Chicago, Eddie se perfectionne au chant et à la guitare, d’abord en reprenant des chansons apprises de ses parents, puis en écoutant T-Bone Walker et B.B. King. En 1954, à seize ans, encouragé par des membres de sa famille, il prend à son tour la route de Chicago. Après avoir vécu dans des familles d’accueil, il se fixe un temps chez sa sœur Mary Lou. Parallèlement, il s’intéresse de près au blues, découvre des artistes plus ancrés dans la tradition rurale du Delta dont Muddy Waters et Johnny Shines, mais aussi Maxwell Street… Encore trop jeune pour entrer dans les clubs, il regarde les concerts par les fenêtres, observe les mouvements des doigts des guitaristes puis se précipite chez lui pour mettre en pratique ce qu’il a retenu !

Mae Bee May. © : Eddie King Remembered.

Encore adolescent, il rejoint le groupe des frères Golden « Big » Wheeler et James « Little » Wheeler, avec lesquels il se produit lors de soirées comme des house parties. En grandissant, Eddie s’écarte progressivement du blues du South Side et côtoie les bluesmen du West Side dont Luther Allison, Magic Sam, Junior Wells, Eddie C. Campbell, Buddy Guy et Freddie King. Mais il fréquente surtout le chanteur-harmoniciste Little Mack Simmons, avec lequel il forme un groupe qui comprend aussi le chanteur-pianiste Detroit Junior. Il se fait alors appeler Little Eddie Milton, et en 1957, il aurait enregistré la chanson Love you blue mais elle n’a visiblement pas été éditée. En revanche, l’année suivante, il joue bien de la guitare sur quatre morceaux d’Eddie Boyd. Puis, en mai 1959, il figure sur les cinq premières faces de Simmons (Little Mack) chez C.J. Records, avec Detroit Junior mais aussi James Cotton à l’harmonica sur l’une d’elles, Jumping at Cadillac.

Avec Koko Taylor, The Last Call Saloon, Providence, Rhode Island, 1983.

Eddie King, qui apparaît désormais sous ce nom car il voulait surtout ne pas être confondu avec Little Milton, va multiplier les enregistrements en 1960 avec des bluesmen prestigieux. Tout commence le 18 février qui le voit accompagner chez B&B Detroit Junior pour ses premiers enregistrements. En juin, il joue de la guitare sur quatre chansons de Sonny Boy Williamson II, entouré de Luther Tucker (g), Otis Spann (p), Willie Dixon (b) et Fred Below (dm) ! Toujours en 1960 mais sans plus de précision, King signe également chez J.O.B. ses premières faces personnelles, toujours accompagné de Detroit Junior, mais aussi des choristes The 3 Queens (dont fait partie une de ses sœurs, Mae Bee May) et du bassiste Bob Stroger, Love you baby et Shakin’ inside. Mais un autre terrible drame l’attend en 1961 : en attendant de trouver une nouvelle maison, l’appartement en sous-sol qu’il occupe avec son épouse Bessie Mae Jones est ravagé par un incendie dans lequel périssent les cinq enfants du couple…

© : James St Laurent Photography / Eddie King Remembered.

Eddie King aura d’autres enfants avec sa femme mais sa carrière musicale n’est plus une priorité et il se retire du circuit. Il réalise un titre en 1965 dans le trio de Willie Dixon qui comprend aussi Lafayette Leake au piano. Mais neuf ans passent avant de nouvelles chansons sous son nom depuis ses premières de 1960 : en 1969, il forme Eddie King and The Kingsmen et enregistre un single chez Conduc, sur lequel il retrouve sa sœur Mae Bee May et Bob Stroger, suivi de deux autres en 1970 et 1971. Il connaît également depuis quelques années la chanteuse Koko Taylor, avec laquelle il entame une collaboration qui va durer une vingtaine d’années. Koko a réalisé nombre de ses meilleurs disques dans les années 1970 et 1980, quand Eddie King était son guitariste attitré, sa contribution est donc essentielle dans sa discographie.

Jacques Périn, Thierry Prévost, Eddie King et Jean-Pierre Arniac, magasin Boogie, Levallois-Perret.

Ensuite basé à Peoria, Illinois, à 250 km au sud-est de Chicago, il doit attendre décembre 1985 et novembre 1986 pour enfin enregistrer son premier album (sur lequel Mae Bee May est encore présente), « The Blues Has Got Me ». C’est une totale réussite mais il ne sort qu’en 1997 chez Double Trouble, un label en outre à diffusion confidentielle. Heureusement, Black Magic le rééditera en 2010 avec trois morceaux supplémentaires. Entre-temps, King avait perdu un autre fils en 1988, abattu par arme à feu. Également en 1997, le bluesman propose un deuxième opus chez Roesch, « Another Cow’s Dead », une autre perle qui met bien en avant ses talents, sa voix forgée au gospel, son jeu de guitare brillant et ses textes bien écrits. Le disque lui vaut d’ailleurs un Blues Music Award. Bien qu’il ait encore un groupe, The Swamp Bees, ses dernières années sont marquées par des problèmes de santé. Il souffre ainsi de PSP (paralysie supranucléaire progressive), une maladie neurodégénérative qui détruit les neurones, puis d’un cancer, avant de s’éteindre finalement le 14 mars 2012 à l’âge de soixante-treize ans.

© : Eddie King Remembered.

Voici maintenant huit extraits en écoute dont un concert intégral.
Love you baby en 1960.
Please Mr DJ en 1969.
I talk too much en 1970.
Get off my back en 1971.
The blues has got me en 1985.
Another cow dead tonight en 1997.
Concert intégral, Blues Special Club, Buenos Aires, Argentine, septembre 1998.
Slow blues en 1999.
(1). Certains éléments de la biographie d’Eddie King proviennent de l’article de l’article « Blues Has Got Me » de Krister Palais publié dans le numéro 169 de la revue suédoise Jefferson.

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